Читаем Mon traître полностью

Les parapluies se sont refermés. Les soldats républicains avaient disparu. Au milieu des poussettes et des femmes qui riaient, il n’y avait plus rien d’autre que des gens d’ici. Pas d’arme. Aucun uniforme. Une épouse au bras de son mari. Un père qui pousse son landau. Trois amis qui se taquinent. Un vieux grognon qui remet sa casquette. Un couple enlacé comme au sortir du pub. Et la foule, autour d’eux, qui s’est remise en marche vers les grilles du cimetière, qui les a grignotés, dérobés, puis repris un à un.


*


Jim a écarté le rideau d’un doigt. A peine, pour voir sans être vu.

— Éteins la lumière, a-t-il dit doucement.

J’aimais ce gris inquiet qui lui brouillait le front, cette tension. Il était dans l’angle de la fenêtre, plaqué contre le mur. Il regardait la rue. Une patrouille britannique s’était arrêtée là, juste devant la porte de la maison. Du salon, j’entendais le crachat de leur radio de campagne. Il m’a fait signe d’approcher. La nuit était orangée des réverbères. Un soldat était agenouillé contre le mur. Il pointait son fusil sur les toits, l’œil contre son viseur. Un autre était couché sur le trottoir. Deux filles riaient en se tenant le bras. Des gens passaient près d’eux sans un regard. D’autres traversaient la rue. Après quelques minutes, un blindé est arrivé. Les Britanniques sont entrés par la porte arrière, à reculons et en courant.

— Salauds ! a dit Jim.

Il a dit ça comme ça, comme lorsqu’il crache sur le trottoir ou qu’il frappe une table du poing. Il a rallumé la lumière. Cathy avait préparé des sandwichs et du thé.

— Ils sont partis ?

— Ils sont partis, lui a répondu son mari.

Dès que le blindé a passé le coin de la rue, les invités sont arrivés. Comme s’ils attendaient le départ de la patrouille pour frapper à la porte. Un couple que j’avais vu au club. Un jeune gars qui était au cimetière. Deux femmes de prisonniers. Et puis Tyrone Meehan et Sheila, sa femme.

— Il y en a partout ce soir, a dit Tyrone en enlevant son manteau.

— Partout, a souri Jim.

J’avais acheté quatre bouteilles de Guinness et une orangeade. C’est comme ça, ici. Chacun apporte ce qu’il boit. L’orangeade, c’était un petit geste en plus. Tyrone a sorti de la Harp de son sac en papier marron, une bière douce et blonde qui se boit comme de l’eau. Sheila avait une fiasque de rhum blanc dans sa poche. Le jeune homme avait acheté une bouteille de vin en mon honneur. Un flacon de marque « Piat d’Or », présenté sur l’étiquette comme « le vin le plus fameux de France ». J’avais pris un peu d’avance. Trois bières brunes depuis le début de soirée. J’étais à ma place, par terre, le dos calé contre un bras de fauteuil. La télévision était allumée. Aux informations, seules quelques images sur la marche de Pâques. Elles montraient l’IRA, pas la foule, avec un commentaire anglais sur le sectarisme et la violence. Jim a éteint le poste. Tyrone avait un verre de bière à la main, il l’a levé à hauteur de regard en me clignant de l’œil. Il faisait presque chaud. J’étais chez moi. Dans l’odeur des toasts et du thé, dans les rires qui répondaient à une histoire de Jim. Chacun son anecdote. Tout allait très vite. Je suivais avec peine. L’une des invitées, très rousse, racontait que hier matin, au petit magasin de l’angle, il n’y avait que des femmes de prisonniers, comme elle. Cinq républicaines, avec en main la même liste de produits autorisés pour le parloir des hommes. Du thé, trois oranges, deux pommes, quelques douceurs de chocolat, avec la caissière qui enregistrait sans un mot les mêmes articles à chaque fois. Quand son tour est arrivé, la rousse avait dans le panier un gros sac de bonbons.

— C’est permis, ça ? a demandé la vendeuse.

— Ah non, ça c’est pour moi, a répondu la femme.

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