Читаем Mon traître полностью

Cathy a ri. Tyrone a levé son verre. Il a demandé des nouvelles de Paddy Nooley, libéré la veille de Long Kesh. Jim a répondu que ça allait. J’enrageais. Je comprenais un mot sur quatre. Un moment, Jim a mimé quelque chose pour moi. Il s’est levé, il s’est agenouillé et a posé sur son épaule un lance-roquettes imaginaire. Tout le monde a ri encore. C’est Cathy qui a traduit, en anglais moins vite. Paddy Nooley venait de faire neuf ans de prison pour avoir utilisé un bazooka à l’envers. C’était à la fin des années 60. Les armes manquaient. Pour rassurer leur population, le samedi soir dans les rues de Belfast, les combattants se repassaient trois ou quatre vieux revolvers d’ordonnance anglais. Tyrone Meehan m’a raconté. Une nuit, il s’était agenouillé sur Falls Road, au coin de la rue Cavendish, un Webley en main, doigt sur la détente, levé contre son visage dans la position du tireur au repos. Il attendait qu’un groupe passe devant lui, des jeunes, des vieux, des fêtards qui baissaient la voix en le voyant. Il était aux aguets, à son angle de mur. Une vieille dame lui glissait de tenir bon. Un gamin murmurait « Vive l’IRA » en levant le poing. Des hommes clignaient de l’œil. Une femme se signait. Une autre disait merci. Tyrone attendait que le groupe le dépasse, puis il quittait son poste en courant, rangeait son revolver sous sa veste, prenait les rues de traverse et donnait l’arme à un camarade qui attendait quelques dizaines de mètres plus haut. Quand ces mêmes gens parvenaient à hauteur de cette autre rue, un combattant était là, debout, masqué d’un foulard, le Webley dirigé vers le sol. Et encore, plus haut, ailleurs, jusque dans le parc, la même arme passait de gants en gants pour que cette nuit, juste avant le sommeil, une poignée de voisins croient que les armes arrivaient en Irlande par bateaux entiers.

Paddy Nooley était plombier, et assez bricoleur. Il avait construit un bazooka avec un tube d’acier. Il s’était aperçu que le calibre de son arme était de la taille exacte d’un paquet de gâteaux qu’il adorait. Des gâteaux ronds, dentelés, au beurre et au citron. Il lui fallait une bourre pour maintenir la charge de son arme. Il a glissé quatre paquets dans le lance-roquettes. Les gâteaux d’un côté, le projectile de l’autre. Et puis tout est allé très vite. Paddy Nooley était jeune. C’était sa deuxième opération. Le fort britannique surveillait l’entrée du ghetto nationaliste d’Ardoyne. L’unité de l’IRA est arrivée de nuit. Ils étaient quatre. C’est Paddy qui devait ouvrir le feu. Le soldat irlandais s’est agenouillé sur le trottoir et il a tiré sur l’ennemi.

Jim mimait la scène. Cathy s’essuyait les yeux en me traduisant doucement. Elle riait. Tyrone riait. Sheila riait. Je riais pour faire comme eux.

— Après l’explosion, les Britanniques sont sortis dans la cour.

Il y avait des miettes de gâteaux partout à l’intérieur du fort. Sur le toit, le grillage, les barbelés, la guérite de surveillance. La rue sentait la poudre et le lait caillé. Paddy Nooley s’est relevé. Il était tout tremblant. En ouvrant le feu, il s’était trompé de sens. Il avait inversé la position de l’arme. La roquette avait frappé un mur derrière lui et il avait bombardé les Anglais de gâteaux. Il était tellement stupéfait qu’il n’a pas bougé. Il est resté comme ça, le tube à ses pieds, en regardant le mur éventré et les gens qui hurlaient aux fenêtres, jusqu’à ce que les soldats l’arrêtent.

— Remarque, Snoopy n’a pas fait mieux, a dit Tyrone en se servant une bière.

Snoopy était sur une moto, derrière Jack qui conduisait. Snoopy venait d’abattre un policier dans Casde Street. Jack remontait Falls Road en zigzaguant entre les voitures. Au moment de prendre le chemin de Whiterock, devant un barrage anglais, Snoopy a tendu la main droite. Comme quand on va tourner. Le pistolet en main.

— Jack, c’est le fils de Sheila et Tyrone, m’a dit Cathy. Il a pris vingt ans.

— C’est la vie, a lâché Tyrone pour parler d’autre chose.

Et puis il a chanté. Comme ça, sans prévenir. Il a fermé les yeux et il a chanté, assis sur son coin de canapé.


« You may travel far far front jour own native home

far away o’er the mountains far away o’er the foam

But of ail the fine places that l’ve ever been

There’s none to compare with the Cliffs of Doneen. »


C’est Cathy qui a chanté ensuite. Une chanson en gaélique que je n’ai pas comprise. Puis Jim a chanté. Et aussi une femme de prisonnier. Je me suis levé et j’ai ouvert mon étui à violon. J’ai attendu, mon instrument sur les genoux. J’étais vraiment chez moi pour la première fois. Sans danger, sans tension, sans paroles retenues, sans voix basse, sans regards mouvants, sans rien d’autre qu’eux, et leur confiance en moi.

— A toi, fils, a dit Tyrone.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Кредит доверчивости
Кредит доверчивости

Тема, затронутая в новом романе самой знаковой писательницы современности Татьяны Устиновой и самого известного адвоката Павла Астахова, знакома многим не понаслышке. Наверное, потому, что история, рассказанная в нем, очень серьезная и болезненная для большинства из нас, так или иначе бравших кредиты! Кто-то выбрался из «кредитной ловушки» без потерь, кто-то, напротив, потерял многое — время, деньги, здоровье!.. Судье Лене Кузнецовой предстоит решить судьбу Виктора Малышева и его детей, которые вот-вот могут потерять квартиру, купленную когда-то по ипотеке. Одновременно ее сестра попадает в лапы кредитных мошенников. Лена — судья и должна быть беспристрастна, но ей так хочется помочь Малышеву, со всего маху угодившему разом во все жизненные трагедии и неприятности! Она найдет решение труднейшей головоломки, когда уже почти не останется надежды на примирение и благополучный исход дела…

Павел Алексеевич Астахов , Павел Астахов , Татьяна Витальевна Устинова , Татьяна Устинова

Проза / Современная русская и зарубежная проза / Современная проза