— Du sable, a répété le grand gars.
C’est alors que le téléphone a sonné. La voix de Sheila. Le grand gars qui m’observait. Son violon posé sur l’établi. Ma main tremblante.
— Ils ont aussi emmené Jim et d’autres hommes de la rue.
— Je prends l’avion pour Dublin. J’arrive, j’ai dit à Sheila.
Elle
n’a pas protesté. Elle a juste murmuré merci.
Elle a raccroché. Je suis resté longtemps comme ça,
téléphone à l’oreille, sa tonalité
en marteau. «
Lorsque je suis arrivé à Belfast, Jim venait d’être relâché. Il avait été interpellé à la maison, la veille. Cathy qui s’interposait avait été frappée d’un coup de crosse à la poitrine. La ville portait sa gueule de drame. Les soldats étaient partout. Hélicoptères, blindés, patrouilles. Il pleuvait. Pas d’enfants dans les rues. Les hommes baissaient la tête. Les femmes étaient des ombres.
— Prends-toi une chambre, c’est dangereux de rester, a dit Jim.
Un peu plus bas, dans Cavendish Street, Cathy connaissait une veuve qui louait à la journée. C’était pour quelques nuits. Une pièce minuscule avec un lit, une armoire et un crucifix. Pas de chaise, rien. La pièce sentait le pauvre et le glacé. La vieille dame faisait bouillir son eau pour la toilette. Une planche remplaçait l’une de mes vitres. Les W-C étaient dans l’arrière-cour, un trou et de la chaux.
— Ce n’est pas chauffé ? j’ai demandé.
— Bienvenue au ghetto, a souri Jim en posant mon sac sur le lit.
Cathy et Jim avaient eu raison. Les Britanniques sont passés chez eux le lendemain, et encore le jour d’après. Ils ont tout fouillé. Tout jeté sur le sol. Ils cherchaient quelque chose ou quelqu’un.
Lorsque Sheila Meehan m’a ouvert, elle a regardé la rue, derrière moi, puis elle m’a pris le bras en refermant la porte.
— Vite, c’est infesté, a-t-elle simplement dit. Tyrone était détenu à la prison de Crumlin. Sheila ne savait pas quand ni pourquoi il serait jugé. Elle m’a demandé de faire attention. Elle a dit que les soldats parlaient d’un
— Ne bouge plus ! a crié un type.