A table, Jim a levé le pouce. Cathy m’a embrassé. Sheila a tendu sa bière morte à Tyrone. Elle était retombée. Le crémeux était jaune et plat. Il a pris son verre, s’est dirigé vers l’âtre, a plongé le tisonnier sous les braises puis dans le liquide noir. La bière s’est soulevée en crépitant. La mousse a repris sa place de mousse. Tyrone a levé son verre, l’a regardé, m’a regardé et a remis sa casquette en buvant.
*
Le 1
er mars 1981, j’ai appris que Bobby Sands commençait une grève de la faim pour le statut de prisonnier politique. J’étais à Paris. Je l’ai lu dans un journal froissé, oublié sur une table de café. C’était un article tout faux. Faux dans les faits, les dates, les lieux, les termes. L'IRA était désignée comme ArméeJ’étais
là, face à la rue, assis à une table. J’avais
chiffonné le journal avec moi. Je regardais mon coin de Paris,
des immeubles gris ciel. Un gars riait en marchant, son amie faisait
des gestes au milieu du trottoir. Le bruit de la machine à
café. Le cliquetis des verres. La soucoupe verte et ma monnaie
française. Je me sentais loin, perdu et seul. Je savais qu’une
deuxième grève de la faim allait débuter au
printemps. Jim, Tyrone, tous m’avaient expliqué. Par ce
jeûne à mort, les prisonniers républicains
mettaient fin à cinq ans de
Bobby Sands était l’officier de l'IRA commandant Long Kesh, condamné à cinq ans pour possession d’une arme. Il avait décidé de conduire le mouvement. Une semaine après, un autre le rejoindrait. Puis un troisième. Et puis un quatrième. Et un cinquième remplacerait le premier décédé. Et un sixième prendrait la place du deuxième martyr. La liste de volontaires établie à l’intérieur de la prison s’étalait en dizaines, puis en centaines de noms. Le visage souriant de Bobby Sands a rejoint la lettre « H » sur chaque brique de la ville.