Читаем Mon traître полностью

— Parle, pour la mémoire de ton père, Tyrone.

— Épargne-moi ça, Mike.

— Tu veux qu’on reprenne demain ?

— S’il vous plaît.

— D’accord. On arrête.

— Personne n’est mort à cause de moi. Je n’ai pas trahi comme ça.

— Demain, Meehan. On reprendra demain. Éteignez la caméra.




Mon traître




C’était l’année dernière, un matin d’hiver. Le vendredi 15 décembre 2006. Je redressais une touche d’ébène au rabot. Deux des coins du violon avaient été arrachés. Les éclisses étaient légèrement choquées, ainsi que le pourtour de la table au niveau des filets. Le chevalet avait disparu. Le dos était fendu. Il manquait aussi les chevilles du et du mi. Augustin Chappuy avait gravé son nom au fer, sous le vernis, au talon du manche. C’était un faiseur de violon originaire de Mirecourt. Je datais l’instrument d’un peu avant 1780. Les chevilles restantes étaient en palissandre. Le dos, le manche étaient en érable et la table en épicéa. Un luthier de Saint-Etienne, J.B. Portier, avait restauré l’instrument en septembre 1909. Il avait collé son étiquette à l’intérieur et l’avait signée de sa main.

J’avais posé l’instrument sur une peau de chamois. Je le travaillais lentement. Il neigeait. Je promenais mon regard du bois noir à la fenêtre grise. La réparation n’était pas pressée. J’avais le temps. J’imaginais le luthier stéphanois, un scalpel à la main, redessiner le filet à la lumière d’une lampe faible. Je le voyais en blouse, son brouillon de cheveux blancs. J’ai caressé le violon, de la volute jusqu’au bouton. Une seule fois, j’ai éprouvé ce plaisir. Un collectionneur m’avait apporté un Amati superbe. Il n’était pas à l’aise en le jouant. Il voulait que j’enlève un peu d’épaisseur, que j’accentue l’arrondi du manche au-dessus du talon, pour mieux y caler sa paume. Il m’a demandé s’il pouvait rester. J’ai dit que cela prendrait un peu de temps. Il s’est assis à côté de moi, sur le tabouret, il a regardé mon canif entamer le bois. Et je tremblais.


Je n’ai pas réagi immédiatement. Le son de la radio était bas. Deux passants japonais prenaient ma vitrine en photo. J’ai entendu « Irlande du Nord », puis le mot « traître ». J’ai monté le son. Mais l’actualité était partie ailleurs. J’ai posé mon rabot. Il m’a semblé que le nom de Tyrone Meehan était entré dans la pièce. C’était juste une impression. Quelque chose de désagréable était là, qui traînait comme une ombre. J’avais entendu le nom de Tyrone. C’était certain. Quand le touriste me photographiait au travail, tout à l’heure, je me suis demandé pourquoi je pensais brusquement au sourire de mon ami.

Tyrone devait venir à Paris la semaine suivante. Il se déplaçait moins depuis la trêve, mais utilisait ma chambre encore, parfois. « La paix est longue à mettre en place, il faut tout nettoyer », m’avait-il dit un jour. Au printemps dernier, il était venu me visiter avec Sheila. Pour elle, c’était la première fois. Je les ai emmenés partout. Montmartre, la tour Eiffel, la promenade sur la Seine, les brasseries. Tyrone payait beaucoup et je lui en voulais. Sheila aussi, qui le grondait des yeux chaque fois qu’il posait sa main sur la note. Il a prétendu que c’était son premier voyage à Paris. Il faisait mine de s’émerveiller de tout, clignant de l’œil dès qu’elle avait le dos tourné.

J’ai appelé Tyrone. C’est Sheila qui a décroché. Elle n’avait pas sa voix. Elle m’a dit de rappeler plus tard, ou une autre fois. Elle semblait pressée et inquiète. Elle a raccroché. J’ai rappelé au soir. C’était Jack. En accord avec le processus de paix, le fils Meehan avait été libéré en juillet 2000, avec les derniers prisonniers de Long Kesh. Je l’aimais beaucoup. Il m’appelait « frérot ». Je lui ai demandé comment ça allait. « Mal », c’est ce qu’il a répondu. Il m’a dit qu’il y avait un problème avec Tyrone. Qu’il avait été accusé de quelque chose de grave mais que tout allait s’arranger.

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