Читаем Mon traître полностью

J’ai rallumé la radio. Rien. L’Irlande du Nord avait disparu des informations. Je suis sorti. Il y a un kiosque à journaux à l’entrée du métro Rome. J’ai acheté un journal du soir. Je l’ai ouvert et je suis tombé. J’avais déplié le journal, je marchais, j’ai lu un titre en gras, quelques lignes et je suis tombé. Pas tombé comme on chute. Pas violent ni brusque. Simplement, j’ai tout arrêté. J’étais sur le trottoir, sur le terre-plein, à quelques mètres de mon atelier. J’ai arrêté de marcher, j’ai arrêté de lire, j’ai arrêté de me porter. Je me suis laissé aller en arrière. J’ai lâché le journal. Je me suis assis lourdement, puis couché sur le dos, tête heurtée contre le sol dans un silence blanc. Des gens sont passés. Plusieurs, sans un mot, regards. Puis un postier s’est penché sur moi. Et une femme. Un jeune homme aussi, qui parlait de malaise. Le postier m’a assis avec précaution. Il a enlevé ses gants. Il a ouvert mon col de chemise. Il a dit que j’étais gris. Que j’avais les lèvres bleues. Le serveur du café est arrivé avec un verre d’eau. C’est lui qui fait mon sandwich à midi. Il m’a appelé Monsieur Antoine. Il m’a demandé si ça allait. J’ai hoché la tête. Le journal tombé me quittait page à page, balayé par le vent.

Je ne sais plus comment. Je me suis retrouvé dans mon atelier. Assis sur le tabouret des visiteurs. J’ai regardé le violon meurtri. J’ai regardé mon mur. Les limes, glissées par dizaines dans leur support de bois. Mes canifs, avec leur manche d’érable fileté d’ébène. J’ai regardé les gouges, les lousses spiralées, les bédanes à filet, les ciseaux, les rabots, les serre-joints, les cales, les presses, les burins, les pointes, des frettes de guitare ancienne oubliées dans un coin de l’établi comme un jeu de mikado. J’ai regardé le fouillis de chiffons souillés, d’éclats de bois, de copeaux, de poussière, le gâchis de cordes enroulées tout autour de ma lampe, les boîtes, les bouchons, les débris de papier de verre, les pinceaux en bottes dans leurs tasses ébréchées. J’ai regardé les bocaux de vernis, les bouteilles à secrets, j’ai regardé mon réchaud à un feu, la casserole de colle de poisson durcie. J’ai regardé le bois rude, les quartiers d’épicéa, d’érable, empilés depuis des années en attendant d’être secs. Longtemps, j’ai regardé les violons, qui pendaient aux crochets comme des pièces de boucher. J’ai regardé ce désordre étranger, cette clarté terre de Sienne, cette presque obscurité.

Sans plus rien comprendre, j’ai retrouvé sur le mur le grand homme à col rond, et cet autre, cheveux longs, ce Bobby Sands qui souriait à la mort. J’ai relu le poème de Yeats et sa terrible beauté. J’ai regardé la proclamation d’indépendance, « Au nom de Dieu et des générations mortes… ». Je ne respirais pas. J’avais la bouche en liège. Le ventre en caverne. Ma tête battait. La neige avait cessé. La rue ne murmurait plus rien. J’étais assis, mains entre les cuisses. J’avais froid. Jamais, je n’ai eu aussi froid. La lumière éteinte. J’étais mon ombre, dos voûté, tête basse, bouche ouverte. Je sentais mon cœur. J’étais sans souffle. J’ai posé les coudes sur l’établi. J’ai pris ma tête entre les mains.

C’était un tout petit article. De ces choses rapides à lire, qui bloquent les colonnes d’un journal comme une cale sous un meuble. « Un traître au sein de l'IRA », disait le titre en gras. Presque immédiatement, le nom de Tyrone était là, en tout début de ligne. Je ne l’avais jamais vu écrit. Pas comme ça, pas dans un journal français avec son âge juste à côté. « Tyrone Meehan, 81 ans. » L’article disait que cet Irlandais était un « membre important de l’organisation terroriste ». Qu’il avait avoué avoir trahi les républicains pendant 25 ans. Qu’il avait touché de l’argent pour ses informations. Qu’il l’avait annoncé publiquement, à Dublin, lors d’une conférence de presse improvisée par Sinn Féin, l’aile politique de l'IRA. L’article disait aussi que c’était un coup dur à l’encontre de la crédibilité des nationalistes mais que cela ne mettait pas en danger le processus de paix.

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