Je regardais l’étoile perdre sa clarté. J’ai posé les mains sur ma bouche. La chambre est devenue glacée. Je revois Tyrone. Il avait un autre regard que le sien. Il regardait ces hommes, l’un après l’autre. Il ne semblait ni ennuyé ni satisfait. Il m’a demandé s’il y en avait d’autres que j’avais aidés. Si j’en étais bien certain. Ce jour-là, il m’a dit que lui seul devrait avoir ma clef. Un an après, Paddy, John, Mary, le rouquin et les deux frères ont été arrêtés.
J’ai regardé l’étoile morte. La chambre palpitait. Ma tête, mon sang, le bois de ma nuque. Le silence se fermait en caveau. Tyrone s’était servi de moi. J’avais désigné un à un des braves pour sa prison.
Je n’ai pas dormi. J’ai regardé l’obscurité. Au milieu de la nuit, la neige est retombée en pluie. Un froid de ville, qui coule au carreau comme une trace sale. J’ai gardé mes chaussures, mon manteau, je n’ai même pas songé à ouvrir les draps. Le regard de Tyrone. Son bras sur mon épaule devant le lac noir. Son empreinte. Ses mots. J’avais mal de lui. La fièvre. Je sentais une eau mauvaise glacer mes reins, ma nuque, couler le long de la jambe qui pendait hors du lit. J’étais couché sur le dos, mains jointes sur la poitrine. Je ne pensais à rien. Je laissais entrer. J’étais porte ouverte. J’avais à l’oreille comme un gémissement. Je gémissais. Une plainte de tout-petit. Je me suis retourné, couché sur le côté, épaules rentrées, tête tombée contre le torse et genoux remontés sur le ventre. J’avais mal. Je ne savais où. Ma peau brûlait. J’avais les poings fermés sous le menton. Ce n’était ni la faiblesse ni la colère, mais l’abandon. Je me noyais. J’avais peur. Je cherchais mon image de beauté. J’ai rappelé à moi la vieille femme insoumise. Mais cette nuit, sur mon lit de noyé, elle n’est plus revenue. J’ai prié. Et puis j’ai renoncé.