Читаем Mon traître полностью

Cette fois, je ne sais pas. Tout était différent. Sur leur strapontin, les gars étaient fermés. La femme m’a bousculé en descendant. La vitre de séparation était ouverte. Le chauffeur a monté le son de la radio. Elle expliquait que Tyrone Meehan s’était peut-être enfui en Angleterre. Que même sa femme ne savait rien de lui. Je regardais ma rue. L’oranger des réverbères, les papiers dans le vent. Depuis le cessez-le-feu de l'IRA, tout était apaisé. J’avais du mal à comprendre la ville. Plus une patrouille militaire, aucun blindé. La police avait repeint ses Land Rover en paix. Ici, là, dans Glen Road ou Springfield, un fort britannique manquait à la rue, déserté, puis détruit, transformé en terre-plein. Pourtant, le drapeau britannique flottait toujours sur l’hôtel de ville, les unionistes refusaient toujours de partager le pouvoir, des pierres protestantes brisaient toujours les vitres des maisons catholiques isolées, un long mur partageait Belfast en deux, la méfiance était intacte, le calme régnait comme un malentendu. Un Saracen de l’armée britannique nous a croisés, phares allumés. Un haut-parleur avait été fixé sur la carapace, qui diffusait une chanson de U2. Par la tourelle ouverte, deux jeunes filles, chemise blanche et casque anglais, agitaient des bouteilles de cidre en chantant. Je le savais. Je ne l’avais pas vu. Il était désormais possible de louer du matériel militaire réformé pour fêter un anniversaire, visiter la ville, tourner la page, ou choquer un luthier venu de Paris.

C’est Sheila qui m’a ouvert la porte. Elle a demandé où était mon sac. Je n’en avais pas. Un change dans une besace. J’étais venu sans rien. Jack a reconnu ma voix. Il est arrivé lourdement sur le seuil. Il a passé la main sur ma nuque et nous nous sommes étreints. Sur le trottoir, Sheila, Jack et moi, sans un mot, les mains des uns sur les épaules des autres. Dans le salon, il y avait deux femmes que je connaissais. Elles se sont levées. J’ai dit « Tony de Paris ». « Un ami de Tyrone », a ajouté Sheila. Je me suis assis sur une chaise. Je ne savais pas quoi faire de mes yeux. Sheila m’a apporté son thé. Il était brûlant. Les femmes sont parties. L’année dernière, j’avais installé un sapin de papier dans l’angle, à côté de la crèche en bois. Cette année-là, il n’y avait rien. Ni décoration, ni lumières. Pas même une carte de vœux sur la cheminée.

Sheila avait fait un ragoût de mouton. Un jour, il y a longtemps, elle m’avait dit que je ne devais jamais compter les pommes de terre en remplissant mon assiette. Que depuis la Grande Famine, les compter portait malheur. Qu’il fallait en manger, et en manger encore sans penser à demain. J’avais apporté une bouteille de beaujolais nouveau. Je remplissais mon verre. Sheila buvait du thé. Jack avait acheté sa bière. Nous ne disions rien. Juste les regards parlés des très vieilles familles. J’ai dit que c’était bon. Sheila a remercié. Sur le buffet du salon, sa photo de mariage, elle et lui souriants.

— Tyrone va bien, a murmuré Sheila.

Elle a dit ça en me tournant le dos, alors qu’elle rapportait le plat de stew à la cuisine. Nous l’avions à peine touché. J’ai voulu parler. Jack a sorti deux cigarettes de son paquet et m’en a tendu une. Je ne fume pas. Il le sait. C’était une courtoisie. J’ai regardé les épaules frêles de Sheila. Son tablier noué dans son dos, ses cheveux blancs coupés court. Elle s’affairait à rien.

— Tu l’as vu ? j’ai demandé.

Elle a fait couler de l’eau dans l’évier. Jack s’est assis dans le fauteuil de son père pour remettre ses chaussures.

— Je l’ai vu. Il va bien, a répondu Sheila.

— Tu vas le revoir ?

— Je vais le revoir.

Voilà. C’était tout. J’ai aidé à desservir la table basse. Sheila était fatiguée. Jack ressortait. Comme beaucoup d’anciens soldats républicains, il était devenu portier de sécurité pour un bar du quartier. Il devait rentrer tard. Depuis son retour de prison, je dormais dans le salon. Il m’a demandé si je voulais sa chambre. J’ai refusé. Il a ouvert le canapé, m’a tendu un drap du dessous et une couverture. Il m’a dit qu’il était content que je sois là. Que nous aurions le temps de parler demain. Puis il m’a enlacé en me remerciant d’être venu.


*


— Sais-tu tenir un secret ? m’a un jour demandé Tyrone Meehan.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Кредит доверчивости
Кредит доверчивости

Тема, затронутая в новом романе самой знаковой писательницы современности Татьяны Устиновой и самого известного адвоката Павла Астахова, знакома многим не понаслышке. Наверное, потому, что история, рассказанная в нем, очень серьезная и болезненная для большинства из нас, так или иначе бравших кредиты! Кто-то выбрался из «кредитной ловушки» без потерь, кто-то, напротив, потерял многое — время, деньги, здоровье!.. Судье Лене Кузнецовой предстоит решить судьбу Виктора Малышева и его детей, которые вот-вот могут потерять квартиру, купленную когда-то по ипотеке. Одновременно ее сестра попадает в лапы кредитных мошенников. Лена — судья и должна быть беспристрастна, но ей так хочется помочь Малышеву, со всего маху угодившему разом во все жизненные трагедии и неприятности! Она найдет решение труднейшей головоломки, когда уже почти не останется надежды на примирение и благополучный исход дела…

Павел Алексеевич Астахов , Павел Астахов , Татьяна Витальевна Устинова , Татьяна Устинова

Проза / Современная русская и зарубежная проза / Современная проза