Читаем Mon traître полностью

Nous sommes entrés dans le salon. Jim s’est assis dans son fauteuil. Un reste de tourbe et de charbon fumait dans la cheminée. Juste un reste. De ces belles flambées qu’on retrouve grises en revenant de pluie. Dans la pièce, il faisait humide et froid. J’ai toujours connu cette maison comme ça, avec le papier peint qui cloque, l’eau en rigoles dans la salle de bains, les larges fissures au plafond et la vitre de ma chambre remplacée par du carton. C’était une maison simple, une maison ouvrière, de briques sales et d’ardoises sur le toit, collée à une maison identique, et à une autre, et à une autre, et à une autre encore, alignement infini, sinueux, catholique et triste. Sur le trottoir d’en face, c’étaient encore les mêmes, et les mêmes dans l’impasse à côté, et dans la ruelle derrière, dans toutes les rues autour. Chez Jim et Cathy, c’était comme chez les autres. Une porte donnait sur la rue, une deuxième porte, vitrée, s’ouvrait sur le salon et l’escalier qui menait à l’étage. Le séjour était étroit. Une télévision sur une table basse, un canapé en toile, un fauteuil et un buffet. Au mur, il y avait une photo du pape Paul VI dans un cadre doré, un dessin représentant Jésus et une affiche des toits de Paris, qu’ils avaient ramenée de voyage de noces. Derrière le salon, une cuisine minuscule. Juste un évier, un réfrigérateur et une gazinière. Pas de table. Chez Jim et Cathy, on posait son assiette sur les genoux. Une porte donnait sur le jardin, une friche minuscule, fermée par une clôture de bois coiffée de barbelés. Les toilettes étaient là. Une cabane, un trou dans une cuve de ciment et une pelle pour étendre la chaux. A l’étage, il y avait deux chambres. La leur et la mienne, quand je venais. Depuis la mort de Denis, leur fils, ils n’avaient rien changé. Je dormais dans son petit lit. Ses dessins jaunissaient sur les murs. Sa photo était partout. Il avait été tué par une balle plastique en 1974. Il avait 12 ans. Depuis, Jim et Cathy vivaient seuls. D’abord, ils n’ont plus voulu d’enfant. Et puis ils ont essayé. Longtemps. Et ils ont renoncé. Cathy a fait des examens, Jim a refusé. Il a dit qu’ils avaient eu trop de peine, que son désir d’amour était enterré avec Denis.

J’avais enfilé un vieux pull sur le mien. Je frottais mes mains pour rien au-dessus de l’âtre mort. Jim avait gardé sa veste. Lorsqu’il fait très froid, il lui arrive même de remettre son manteau à la maison. Il a appuyé sur la télécommande de la télévision. Cathy a fait du thé. Je déteste le thé. Je n’ai jamais compris le thé. Chaque fois, partout, dès que je passe une porte de ce pays, une femme me tend une tasse de thé. J’ai donc bu le thé de Cathy. Je l’ai regardée s’envelopper dans un grand plaid brun. J’ai regardé les images qui scintillaient l’écran et la Vierge en plastique qui clignotait à notre fenêtre.

— Tyrone Meehan est un vétéran, a dit Jim en reposant sa tasse.

Un vétéran de quoi ? j’ai demandé.

— A vétéran of vouât ?

— De tout, a répondu Jim. De tous les combats, de tout ce qui fait que nous buvons un thé tranquillement, et presque en sécurité.

Ce soir-là, j’étais fatigué. C’est dommage. J’aimais bien lorsque Jim parlait. Mais j’écoutais du coin de l’œil. Le voyage, la bière, la pisse, la patrouille étrangère que je croisais avec haine et délice dans cette ville que je voulais pour mienne. Jim était assis dans son fauteuil. Cathy, posée sur l’accoudoir et moi, tassé par terre, à côté de ma chaise parce que tout tanguait. Et Jim a raconté Tyrone.






James Connolly




J’ai rencontré la République irlandaise à Paris, un matin de novembre 1974. Sous les traits d’un homme souriant qui portait une chemise à col rond. Le garçon qui m’a montré la photo de cet homme venait souvent dans mon atelier. Il passait comme ça, sans rendez-vous, sans frapper et parfois pour rien. Il poussait la porte, son étui à la main, tirait le tabouret et s’asseyait près de moi.

Il s’appelait Pierre mais se disait Pêr. Il était breton. Il venait de Plouarzel, qu’il écrivait Plouarzhel. Il enseignait l’anglais. Il détestait l’Angleterre parce qu’il aimait l’Irlande.

Pendant que je travaillais, Pêr parlait. Il parlait dans mon dos, parlait, parlait. Il faisait des gestes larges, vifs, beaucoup trop grands pour mon silence. Parfois, il allait à la fenêtre et regardait ma rue avec méfiance, comme s’il craignait d’avoir été suivi. C’était un brave jeune homme, et un mauvais violoniste. En fait, je crois que la musique ne l’intéressait pas. Il ne s’attachait pas aux notes, mais à l’identité. Il ne pensait pas harmonie, mais appartenance. Pêr était amoureux des Irlandais et le violon lui permettait de les rejoindre. De trouver une place entre eux, tassé en bout de banc, de mêler sa musique aux musiques du pub. A Derry, il était le Breton au violon.

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