- Commandez, Sire, dit enfin Lannes. J'exécuterai. Il faut que tous les officiers paraissent sur le champ de bataille comme s'ils étaient à la noce.
Un messager de Davout entre dans la pièce.
Avec son seul corps d'armée, Davout a battu toute l'armée autrichienne à Tengen. Elle recule sur Thann.
Napoléon pince l'oreille de Lannes, l'entraîne.
C'est déjà le jeudi 20 avril 1809. Il faut bien dormir quelques heures.
Il se lève à l'aube. Le brouillard couvre toute la campagne et il n'est pas dissipé quand Napoléon s'engage sur la route de Ratisbonne, jusqu'à ces hauteurs qui dominent Abensberg.
Autour de lui, il regarde ces chevau-légers bavarois et wurtem-bourgeois qui lui servent d'escorte.
Il se lance au galop et va se placer en avant de ces régiments. Et il donne le signal de l'assaut.
Après quelques heures, les troupes autrichiennes sont enfoncées, coupées en deux.
Il s'assied dans la grande salle de l'hôtel de la Poste, place du Marché, à Rohr. Il somnole de 2 heures à 4 heures du matin, puis il se lève d'un bond.
- Ne perdons pas une minute ! lance-t-il.
Il chevauche jusqu'au Danube. Les Autrichiens se sont rassemblés sur l'autre rive, dans la ville de Landshut. Encore un pont que les fantassins doivent traverser sous une grêle de balles.
Il les suit des yeux. Ils s'élancent, gagnent la rive opposée, mais se heurtent à la porte de la ville, refluent. Ils reculent, trébuchant sur les corps qui encombrent le tablier du pont. Ils repartent à la charge, sont à nouveau repoussés.
Il faut prendre Landshut.
Il voit s'approcher le général Mouton, un aide de camp qui apporte un message de Davout.
Napoléon se tourne vers lui.
- Vous arrivez fort à propos ! Placez-vous à la tête de cette colonne et enlevez la ville de Landshut.
Mouton met pied à terre, sort son sabre et court vers le pont.
Il s'est installé dans la résidence royale à Landshut. Par la fenêtre, tout en dictant, il voit les troupes qui traversent la ville. Elles marchent vers Eckmühl.
« Je suis décidé, écrit-il à Davout, à exterminer l'armée du prince Charles aujourd'hui ou au plus tard demain. »
Le signal de l'attaque sera donné par Davout, qui fera tirer une salve de dix coups de canon.
Tout à coup, la fatigue le saisit. Il s'assied. Il n'entend plus rien. Lorsqu'il se réveille, à peine une heure plus tard, il voit d'abord le jour qui se lève, clair. Il a mal à la gorge. Roustam lui verse une tasse de lait et de miel. Puis il part à cheval. Il fait frais. Il n'aime pas cette chaussée embourbée qui longe la vallée de l'Isar et sur laquelle les troupes piétinent.
Eckmühl est au nord. Il veut voir le champ de bataille. Le terrain est accidenté, couvert de monticules et de bouquets de bois, mais dans la direction du Danube, au-delà d'Eckmühl, il découvre une immense plaine au fond de laquelle, sur le fleuve, s'élève Ratisbonne, dont les Autrichiens ont délogé la petite garnison française.
À 13 h 50, il entend les dix coups de canon de Davout. La bataille débute.
Il est en avant, entouré de ses maréchaux.
Quand le crépuscule commence à tomber et que la nuit s'étend, il regarde ce jaillissement d'étincelles que provoquent les sabres lourds frappant sur les milliers de casques et d'armures. Il n'entend pas les cris des combattants, couverts par les chocs sourds des armes qui tapent à coups redoublés.
Il est surpris de la résistance de la cavalerie autrichienne. La bataille est perdue, mais elle continue de se battre, protégeant la retraite des fantassins vers Ratisbonne.