Il reprend de la même voix calme :
- On n'oubliera rien pour témoigner ma satisfaction à de braves soldats qui m'ont donné tant de preuves de dévouement. Faites imprimer ici un modèle de certificat. Vous y ferez mettre mes armes au milieu ; vous effacerez cette formule de souverain de l'île d'Elbe, qui est ridicule.
Il faut pourtant donner le change, jouer le jeu de celui qui accepte son sort et ne devine pas ce que sont les inventions de ses adversaires. Il faut recevoir comme dans la capitale d'un royaume la princesse Pauline, qui arrive de Naples sur le brick l'
Elle loge au premier étage du « palais » des
Il dicte : « Les invitations devront s'étendre sur toute l'île, sans cependant qu'il y ait plus de deux cents personnes. Il y aura des rafraîchissements sans glace, vu la difficulté de s'en procurer. Il y aura un buffet qui sera servi à minuit. Il ne faudrait pas que tout cela coutât plus de mille francs. »
Parce qu'il faut aussi penser à cela maintenant, à l'argent qui manque.
Mais on danse, on chante, on applaudit les pièces de théâtre que Pauline monte et interprète en compagnie des officiers de la Garde. Elle est belle, enjouée lorsqu'elle s'avance sur la petite scène de cette pièce aménagée en théâtre et qu'elle déclame dans le rôle principal des
Et puis elle sait s'entourer de quelques jolies femmes qui rappellent, sous sa direction, cette grâce piquante des palais de Paris.
Napoléon, quand sa sœur les présente, sourit ; il oublie quelques instants ce qui l'oppresse. Ainsi, ce Corse, que Drouot vient de faire arrêter et qui avoue avoir été payé par le chevalier de Bruslart pour assassiner l'Empereur. Qu'en faire ? L'exécuter ? Le renvoyer avec mépris et se rendre comme si de rien n'était au prochain bal masqué de Pauline.
Puis, le bal terminé, bavarder quelques instants avec Mme Colombani ou Mme Bellini, ou Mlle Le Bel. Toutes, elles sont consentantes. Elles s'offrent. Il se souvient de Lise Le Bel qui, autrefois, à Saint-Cloud, avait passé quelques nuits avec lui, mais il ne retrouve pas cette joie qu'il avait éprouvée alors à voir entrer dans sa chambre cette petite jeune femme de dix-sept ans. Aujourd'hui, aux
Et il la renvoie.
Il pense à Marie Walewska, à Joséphine, qu'il a toutes deux rejetées loin de sa vie. Joséphine, morte. Il dit à Bertrand :
- Mon divorce n'a point d'exemple dans l'Histoire, car il n'altère pas les liens qui m'unissaient à Joséphine et notre tendresse mutuelle reste la même. Notre séparation était un sacrifice que la raison d'État m'imposait dans l'intérêt de ma couronne et de ma dynastie. Joséphine m'était dévouée. Elle m'aimait tendrement. Personne n'eut jamais dans son cœur la préférence sur moi ; j'y avais la première place, ses enfants après. Elle avait raison, car c'est l'être que j'ai le plus aimé et son souvenir est encore plus puissant dans ma pensée.
Il ne peut et ne veut rien dire de Marie-Louise, puisqu'elle est silencieuse ou bâillonnée,
Il se fait apporter les lettres que la