Il faut embarquer les cartouches, les chevaux, les hommes, près de douze cents, et atteindre le plus rapidement possible la côte française. Tout dépendra du vent.
Il se souvient de son retour d'Égypte. Il a une confiance absolue dans le destin. Il ne peut rester prisonnier ici, à attendre sa déportation ou sa mort. Il ne craint pas de périr en mer ou d'être pris par un navire anglais ou français. Il atteindra Paris. Il entend déjà les acclamations qui l'accompagneront tout au long de sa route.
Après, le destin jouera à nouveau sa partie.
Le lundi 13 février 1815, l'officier de garde vient annoncer qu'un homme vêtu comme un matelot demande à être reçu par Sa Majesté. C'est le début de la nuit. L'homme prétend être envoyé par Maret, duc de Bassano. Il a été, dit-il, sous-préfet de Reims, décoré de la Légion d'honneur pendant la campagne de France. « L'intrépide sous-préfet », a dit de lui le maréchal Ney. Il se nomme Fleury de Chaboulon. Voilà plusieurs semaines qu'il est en route. Il apporte à l'Empereur des nouvelles de France.
Napoléon l'écoute. Fleury parle d'une voix exaltée. La France attend l'Empereur. Les soldats et les paysans se lèveront en masse. Tous ceux qui ne supportent pas le retour des aristocrates et des jésuites se joindront à lui. On l'attend. Toute la France l'espère.
Napoléon questionne, reçoit à nouveau Fleury le mardi 14 février. Mais pourquoi se dévoiler ? Il le charge d'une mission auprès de Murat. Le roi de Naples a peur pour son trône. Il se rapproche donc et son aide en Italie peut être précieuse.
Napoléon fait quelques pas dans le jardin des
- Il n'est pas vrai que les hommes soient aussi ingrats qu'on le dit, murmure-t-il. Et si l'on a souvent à s'en plaindre, c'est que d'ordinaire le bienfaiteur exige plus qu'il ne donne. On vous dit encore que quand on connaît le caractère d'un homme on a la clef de sa conduite. C'est faux : tel fait une mauvaise action qui est foncièrement honnête homme. Tel fait une méchanceté sans être méchant.
Il faut donc pardonner à Murat, sans rien oublier de ce qu'il a fait.
Le jeudi 16 février, le colonel Campbell se présente, désinvolte, souriant. Il a beaucoup apprécié les bals de la princesse Pauline auxquels il a été convié.
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Campbell part pour quelques jours à Florence.
Napoléon regarde à la fin de la soirée la frégate
Il donne l'ordre aux capitaines d'habillement de faire distribuer un uniforme complet et deux paires de souliers à chaque soldat. Il passe en revue le bataillon corse. Il fait dresser la liste des hommes auxquels on peut faire confiance.
Le mercredi 22 février, il commence à faire embarquer à la nuit tombée les caisses de cartouches et les ballots d'équipement sur le brick l'
Tout à coup, le vendredi 24, alors qu'il se promène sur les chemins qui surplombent le golfe de Portoferraio, il aperçoit la frégate anglaise qui rentre dans le golfe, qui amène ses voiles, jette l'ancre.
Une embarcation glisse vers la terre, portant quelques hommes, puis la frégate se prépare de nouveau à appareiller, après avoir débarqué six touristes anglais ! Campbell est resté à Florence.
Napoléon reçoit les Anglais, les interroge, les écoute, commente ses campagnes, les invite à visiter l'île. Puis il donne l'ordre d'établir le blocus de l'île. Plus personne ne doit quitter Elbe ou y entrer.
Maintenant, les dés roulent, et il est hors du pouvoir de quelqu'un de les arrêter.
Le samedi 25 février 1815, il commence à écrire.