Читаем Révolte sur la Lune полностью

Wyoh aidait Prof et Stu, s’occupait de ses propres organisations, faisait de nombreuses tournées vers la Mare Undarum… il ne lui restait que très peu de temps pour présider les séances du Congrès ; cette dernière tâche est donc retombée sur les épaules du doyen des présidents, Wolf Korsakov, lui-même encore plus occupé que chacun d’entre nous : la LuNoHoCo se chargeait de tout ce que l’Autorité faisait auparavant, et bien davantage.

Wolf possédait une équipe efficace, que Prof aurait dû surveiller de plus près. Il avait fait élire comme vice-président son patron Moshai Baum et ensemble ils avaient chargé sa commission de déterminer avec le plus grand sérieux quelle forme devait prendre le futur gouvernement permanent. Puis il s’était désintéressé de la question.

Ladite commission, par contre, ne s’en est pas désintéressée. Elle a même étudié toutes les formes possibles de gouvernement à la bibliothèque Carnegie, créant pour cela des sous-commissions de trois ou quatre membres (un nombre que Prof n’aurait pas aimé connaître). Quand le Congrès s’est réuni début septembre pour ratifier certaines décisions et élire quelques députés « libres » de plus, le camarade Baum a pris la tête des débats. Bientôt nous avons appris que le Congrès se transformait en assemblée constituante et que tous les groupes de travail se trouvaient de facto entre les mains de ces sous-commissions.

Je pense que Prof ne s’y attendait pas, pourtant tout s’était passé selon les règles qu’il avait lui-même écrites. Il a cependant pris le taureau par les cornes et s’est rendu à Novylen où siégeait le Congrès – l’endroit étant plus central – et s’est adressé à lui avec sa bonne humeur habituelle. Il s’est contenté d’émettre quelques doutes sur leurs décisions plutôt que de dire brutalement à tous ces bavards qu’ils faisaient fausse route.

Après les avoir fort courtoisement remerciés de leurs efforts, il s’est mis à démolir leurs projets de fond en comble.

— Camarades parlementaires, comme le feu et la fusion, le gouvernement est un serviteur dangereux et un maître terrible. Maintenant que vous connaissez la liberté, il s’agit de la conserver. Rappelez-vous que cette liberté peut vous être retirée plus rapidement par vous-mêmes que par tout autre tyran. Soyez lents, montrez-vous circonspects, pesez les conséquences de chaque mot. Je n’éprouverais aucune gêne, aucun déplaisir si votre assemblée siégeait dix ans de suite avant de présenter ses conclusions, mais je serais fort effrayé si vous y parveniez en moins d’une année.

« Méfiez-vous des lieux communs, détournez-vous des coutumes établies. Au cours de l’Histoire, l’humanité ne s’est jamais bien sortie des questions de gouvernement. Par exemple, je vois ici un projet prévoyant de créer une commission chargée de diviser Luna en circonscriptions électorales et de modifier ces circonscriptions à intervalles réguliers en fonction de la population.

« C’est bien ainsi que l’on fait, traditionnellement, et c’est pour cela que nous devons nous en méfier, car nous devons toujours considérer l’accusé coupable jusqu’au moment où il aura fait la preuve de son innocence. Sans doute pensez-vous qu’il s’agit là de la seule solution imaginable ; me permettrez-vous de vous en proposer d’autres ? L’endroit où vit un homme n’est pas une donnée fondamentale. Les circonscriptions électorales pourraient aussi bien être formées en divisant les gens d’après leur situation, ou leur âge… ou même selon un classement alphabétique. Elles pourraient même ne pas être définies, tous les membres étant élus par la totalité des électeurs. Et ne me répondez pas que cela rendrait impossible l’élection de tout homme qui ne serait pas connu de tous, car ce serait peut-être, au fond, la meilleure solution pour Luna.

« Vous pourriez même envisager de déclarer élus les candidats qui obtiendraient le plus petit nombre de suffrages ; les hommes impopulaires sont peut-être justement ceux qui peuvent nous préserver d’une nouvelle tyrannie. Ne rejetez pas cette idée pour la seule et simple raison qu’elle paraît absurde, réfléchissez ! Tout au long des siècles passés, les gouvernements désignés par la ferveur populaire n’ont pas été meilleurs pour autant, ils ont parfois même été pires que les tyrannies déclarées.

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