Читаем Révolte sur la Lune полностью

Prof s’est incliné puis a quitté la salle. Stu et moi l’avons suivi. Lorsque nous nous sommes retrouvés dans l’isolement d’une capsule, je l’ai questionné.

— Prof, j’ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit… mais il m’a semblé qu’au sujet des impôts, vous disiez une chose et faisiez exactement le contraire. Qui, à votre avis, va payer toutes nos dépenses ?

Il est resté longtemps silencieux avant de me répondre :

— Manuel, mon seul désir est de voir le jour où je pourrai cesser de faire semblant de diriger.

— Ce n’est pas une réponse !

— Vous avez mis le doigt sur le dilemme qui se pose à tous les gouvernements – raison pour laquelle je suis anarchiste, d’ailleurs. Le pouvoir de lever des impôts, une fois qu’on l’a accordé, n’a pas de limite ; il va croissant jusqu’au moment où l’impôt tue l’impôt. Je ne plaisantais pas le moins du monde quand je leur ai dit de fouiller dans leurs propres poches. Peut-être n’est-il pas concevable de se passer des gouvernements… je pense même parfois qu’ils constituent une des maladies inévitables de la condition humaine. Mais il doit être possible de les garder petits, squelettiques, inoffensifs… ne croyez-vous donc pas que le meilleur moyen, pour cela, serait d’exiger que les gouvernants payent de leur propre poche leurs lubies antisociales ?

— Cela ne me dit toujours pas comment nous allons payer.

— Comment, Manuel ? Vous savez bien comment nous procédons : nous volons. Je n’en éprouve ni fierté ni honte car nous ne pouvons agir autrement. Si jamais nous sommes pris, il n’est pas impossible que nous nous fassions éliminer… Je suis prêt à affronter mon destin. Au moins n’avons-nous pas créé l’affreux précédent d’une imposition.

— Prof, je regrette d’avoir à le dire, mais…

— Alors, pourquoi le dire ?

— Mince, alors ! Tout simplement parce que j’y suis enfoncé jusqu’au cou, exactement comme vous… et je veux que l’on rembourse ! Cela me fait de la peine d’avoir à le dire, mais ce que vous venez d’énoncer me paraît le comble de l’hypocrisie.

Il a ricané.

— Mon cher Manuel ! Il vous a donc fallu toutes ces années pour vous apercevoir de cela ?

— Vous l’avouez donc ?

— Non. Mais si cela doit vous faire plaisir de le penser, je vous autorise volontiers à me prendre comme bouc émissaire. Je ne me considère pas comme hypocrite, car le jour où nous avons décidé de faire la révolution, j’avais pleinement conscience que nous aurions besoin de beaucoup d’argent et que nous devrions le voler. Cela ne me dérange pas : j’ai estimé cela préférable au fait d’assister à des émeutes provoquées par la famine dans six ans et, dans huit ans, de connaître le cannibalisme. J’ai fait mon choix et je n’ai pas le moindre regret.

Je me suis tu, ne sachant que répondre, mais guère satisfait pour autant. C’est Stu qui a pris la parole :

— Professeur, je suis vraiment heureux de constater votre hâte de ne plus être président.

— Vraiment ? Vous partagez donc les scrupules de notre camarade ?

— En partie seulement. Étant né riche, je ne suis pas troublé autant que lui par l’idée du vol. Par contre, maintenant que le Congrès a décidé de s’attaquer au problème de la Constitution, j’ai décidé de trouver du temps pour assister aux séances. J’ai l’intention de vous faire nommer roi.

Prof semblait estomaqué.

— Monsieur, si je suis nommé, je refuserai. Si je suis élu, j’abdiquerai.

— Ne prenez pas de décision hâtive. C’est peut-être la seule solution pour obtenir le genre de Constitution que vous désirez. Et que je désire, moi aussi, avec le même manque d’enthousiasme que vous. Vous pourriez fort bien être proclamé roi, et la population vous accepterait ; les Lunatiques ne sont pas obstinément attachés à la république, et je crois qu’ils aimeraient cette solution – son étiquette, ses costumes de cérémonie, sa cour, et ainsi de suite.

— Non !

— Ja, da ! Quand ce moment sera venu, vous ne pourrez pas refuser. Oui, c’est d’un roi que nous avons besoin, et nul autre candidat que vous ne pourrait convenir. Bernardo Ier, roi de la Lune et empereur des espaces environnants.

— Stuart, arrêtez, vous m’indisposez.

— Vous vous ferez à cette idée. C’est parce que je suis démocrate que je suis royaliste. Je ne me laisserai pas plus arrêter par votre répugnance que vous-même par la question du vol.

— Un instant, Stu, ai-je dit. Vous venez de dire que vous étiez royaliste parce que vous étiez démocrate ?

— Naturellement. Seul un roi peut protéger son peuple de la tyrannie… et surtout de la pire de toutes, la sienne. Prof conviendra parfaitement pour ce poste, pour la simple et bonne raison qu’il ne le désire pas. Un ennui, cependant : il est célibataire et sans héritiers. Mais nous allons contourner la difficulté, Mannie : je vous ferai désigner comme son héritier. Son Altesse royale, monseigneur le prince Manuel de La Paz, duc de Luna City, amiral en chef des Forces armées et protecteur du faible et de l’orphelin.

Ahuri, je me suis enfoui le visage dans les mains.

« Oh, Bog ! »

Troisième partie

URGCNEP !

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