— Ne t’affole pas, Man. Un missile, je le verrais arriver avec quelques minutes d’avance. C’est maintenant le plein clair de Terre… Tu es sûr de vouloir exposer les hommes ainsi ? Inutilement ?
— Euh… Désolé, tu as raison. Il vaut mieux que je parle avec Greg.
— Play-back, je l’ai déjà fait…
… et j’ai encore une fois entendu « ma » voix s’adressant à mon co-mari qui se trouvait à la Mare Undarum : « Je » paraissais tendu mais calme malgré tout. Mike lui avait exposé la situation, lui avait dit de se préparer à lancer l’opération « Fronde de David » et de se tenir prêt pour le tir en rafales. « Je » lui avais garanti que le maître ordinateur resterait fidèle au poste, que l’on pouvait compter sur ses programmations et que des déviations seraient automatiquement installées en cas d’interruption des transmissions. Je lui avais aussi sommé de prendre le commandement et de décider seul si les transmissions s’arrêtaient et n’étaient pas rétablies au bout de quatre heures – il lui faudrait écouter la radio terrestre et agir en conséquence.
Greg, toujours calme, avait répété les ordres puis m’avait doucement dit :
— Mannie, tu diras à la famille que je les aime.
Mike m’avait fait beaucoup d’honneur : il avait répondu à ma place, avec juste ce qu’il fallait d’émotion :
— Je leur dirai… et, tu sais, Greg, je t’aime, moi aussi.
— Je le sais, Mannie… Et je vais prier pour loi.
— Merci, Greg.
— Au revoir. Va rejoindre ton poste.
J’y suis allé, et j’ai fait ce que je devais faire ; Mike avait joué mon rôle aussi bien que je l’aurais fait moi-même, peut-être même mieux, et « Adam » s’occuperait de Finn aussitôt que nous réussirions à le joindre. J’ai donc raccroché pour aller transmettre le message d’amour de Greg à Mamie. Je l’ai trouvée revêtue de sa combinaison pressurisée ; elle avait réveillé grand-papa et l’avait habillé, pour la première fois depuis des années. Après avoir fermé mon casque, je suis sorti – pistolet laser à la main.
Arrivé devant le sas n°13, j’ai constaté qu’il était correctement fermé et qu’il n’y avait personne en vue derrière le hublot. Tout allait bien, sauf que le stilyagi chargé de ce sas n’y était pas.
Taper sur le hublot n’a pas donné davantage de résultat. Je me suis décidé à rebrousser chemin, préférant traverser la maison, suivre les tunnels à légumes et sortir en surface par notre sas particulier qui menait à notre panneau solaire.
Là, je me suis aperçu que le hublot était obscurci alors qu’il aurait dû se trouver en plein soleil… Ces satanés Terriens avaient osé débarquer en plein sur la propriété des Davis ! L’énorme train d’atterrissage du vaisseau formait une sorte de trépied au-dessus de moi : je me trouvais juste au-dessous de ses réacteurs.
Je suis descendu et j’ai dégagé l’endroit après m’être bien assuré de la fermeture des écoutilles, puis, sur mon chemin, j’ai hermétiquement fermé toutes les portes étanches. J’ai mis Mamie au courant, lui demandant de poster un garçon avec un pistolet laser à la porte de derrière…
— Tiens, prends celui-ci.
Il n’y avait plus personne, ni garçons, ni hommes, ni femmes entraînées, juste Mamie, grand-papa et les plus petits ; tous les autres étaient partis à la recherche d’émotions fortes. Mamie n’a pas voulu prendre le pistolet laser.
— Je ne sais pas m’en servir. Manuel, et c’est trop tard pour apprendre, il vaut mieux que tu le gardes. Mais ils ne viendront pas dans les tunnels Davis. J’ai des astuces dont tu n’as pas idée.
Je ne me suis pas arrêté pour discuter ; d’ailleurs, c’est toujours une perte de temps de discuter avec Mamie : elle en connaissait un rayon en matière de résistance, car elle s’était arrangée pour survivre sur Luna toutes ces années, et dans des conditions bien pires que celles que j’avais connues.
Cette fois, le sas n°13 était gardé : les deux garçons m’ont laissé passer. Je leur ai demandé les nouvelles.
— La pression est rétablie, maintenant, m’a assuré le plus âgé. Du moins à ce niveau. On se bat vers le boulevard Inférieur. Dites, général Davis, je peux vous accompagner ? Il suffit d’un garde à ce sas.
— Niet.
— Je veux me payer un ver de Terre !
— Ton poste est ici, restes-y. S’il en arrive un par là, il est à toi. Fais quand même attention de ne pas te faire avoir d’abord.
Et je suis parti en vitesse.
Voyez le résultat d’une négligence : je n’avais pas gardé ma combinaison pressurisée avec moi et je ne suis arrivé qu’à la fin de la bataille des corridors… Quel beau « ministre de la Défense » je faisais !
J’ai chargé vers le nord, par le corridor de ceinture, sans fermer mon casque. Je suis arrivé au sas qui donne sur le boulevard : il était grand ouvert. J’ai poussé un juron et me suis précipité pour le refermer, non sans prendre quelques précautions, et j’ai vu pourquoi il était ouvert : le jeune garde gisait au sol. Cela m’a incité à me déplacer avec encore plus de prudence pour me rendre sur le boulevard.