Читаем San-Antonio polka полностью

Je donne un coup de poing sur son burlingue ministre.

— Pas encore, patron !

Il relève son pauvre front plissé comme un bandonéon.

— Je ne m'avoue pas vaincu aussi facilement, dis-je.

— Que pouvez-vous tenter ?

— Je vais jouer le jeu. Essayer de retourner là-bas et écraser ce repaire d'espions comme on écrase un nid de serpents !

— Des mots ! N'oubliez pas qu'ils se trouvent en territoire étranger et que vous ne savez même pas où se trouve ledit territoire.

— Je le retrouverais.

— Je ne puis rien pour vous.

— Si. Vous pouvez me laisser carte blanche !

— Au point où nous en sommes !

— Très bien. Je file, patron. Si vous me revoyez dans ce bureau c’est que j'aurai réussi. Autrement vous recevrez ma démission… ou un faire-part !

Et je sors.

Mon bureau a déjà un petit air d'abandon, Va-t-il falloir dire adieu à cette pièce où flotte l'odeur de mes succès (plus celle, terriblement tenace, des pieds béruréens) ? Que non point ! Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent, a dit Victor Hugo (qui écrivait avec une plume baïonnette).

Comme je finis de préparer une valise, la porte s'ouvre sur Pinaud. Le Lamentable se livre à un exercice extrêmement périlleux : il joue au bilboquet.

Dans son beau complet marron à rayures vertes et blanches, il ressemble à un sorbet italien. Il a une chemise rose-cucul-la-praline, une cravate verte, des chaussettes rouges et des souliers beurre rance. Un reliquat de sauce tomate donne de l'éclat à ses bacchantes mitées.

— Tiens, bonjour, bavoche le Réintégré, y a longtemps qu'on t'avait vu, Béru n'est pas avec toi ? Je viens de découvrir une boîte où le beaujolais est d'origine.

Il lance la boule, la rate, la relance, la rate encore.

— T'as fini ta culture physique, hé, Henri III ! tonné-je.

— C'est bon pour la concentration d'esprit, explique le Dévitaminé. J'ai lu ça sur une revue.

Et il recommence. Agacé, je prends la paire de ciseaux plantée dans la gaine de mon sous-main de cuir et je coupe la corde reliant la boule du bilboquet à son manche. Pinuche proteste contre cette détérioration de matériel, mais je lui dis de se taire et, comme c'est un bon Chpountz, il met ses vitupérations au vestiaire.

— Je ne comprends pas, fais-je à bon escient, que tu aies le cœur à jouer au bilboquet, alors que notre cher Bérurier est en train de périr à des milliers de kilomètres d'ici.

— Que me dis-tu là ! s'étrangle le Débris.

Je lui résume la situation et il branle un chef navré.

— Il faut tenter quelque chose, San-A.

— Telle est bien mon intention, esclave !

— Que vas-tu faire ?

— Remplir une valise truquée avec les faux dollars dénichés dans l'affaire Mayermann et prendre un bus pour Nice, ainsi qu'il me l'a été recommandé.

— Et ensuite ?

— Ensuite ?C'est le point d'interrogation dans toutes ses volutes, le mystère dans toute son angoisse.

— Je pars avec toi ! décide Pinuche.

Je le regarde. Il a les yeux qui pétillent, le bon Samaritain (il s'habille à la Samaritaine). Il frémit ! Il…

— Savoir si le Vieux sera d'accord, soupiré-je.

— S'il ne l'est pas, je lui donnerai ma démission !

— Tu l'as déjà donnée une fois et on vient à peine de te réintégrer, Pinuche. Fais mettre des boutons pression à ton contrat avec la poule !

Il secoue la tête.

— La poule sans Béru et sans toi, ce serait plus la poule. C'est le côté grande famille de la chose qui me botte ; vous absents, j'aurais l'impression d'être dans un orphelinat.

Brave Pinuche ! Il a droit à toute notre estime, à la retraite des cadres et au salut éternel ! Je décroche le bignou intérieur et je sonne le Vioque.

— Qu'est-ce qu'il y a encore ? m'aboie-t-il.

— Je voudrais vous demander la permission d'emmener Pinaud, monsieur le directeur.

— Emmenez le pape si ça peut vous faire plaisir ! répond le Tondu en raccrochant.

— Je ne suis vraiment pas dans les papelards. Je m'imagine un instant, escorté de Sa Sainteté Jean XXIII dans le bus de Nice. Vaut mieux emmener Pinuche.

— C'est réglé, fais-je. Tu prendras le car séparément, en feignant de ne pas me connaître. Tu te placeras au fond du véhicule et tu surveilleras attentivement les faits et gestes de chacun, O.K. ?

— Parfaitement, compte sur moi.

— Et surtout ne t'endors pas ; en général tu pionces dès que tu es en voiture ou en train.

— Je m'endors lorsque je n'ai rien de Mieux à faire, dit-il, je te prie de l'admettre.

— Bon. Charge-toi, les nuits sont fraîches et nous risquons des coups durs.

Il va au tiroir de son bureau et en sort un parabellum long comme un os de gigot.

Il se le cloque dans le falzar et, illico, se met à faire, vu le poids de l'instrument, une déviation de la colonne vertébrale.

Juste au moment où nous allons partir, Meunier, un technicien du labo, passe dans le couloir, tout joyce.

— Salut, m'sieur le commissaire ! Ça carbure ?

— A plein régime, assuré-je, partant du principe que l'optimisme est toujours payant.

Il s'arrête et me dit en brandissant un carton qu'il tenait sous le bras :

— Si vous avez deux minutes, je vais vous montrer un truc sensas dont on va peut-être équiper vos services.

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