Читаем Sept jours pour une éternité… полностью

Elle reprit le chemin des docks pour aller vérifier le bon déroulement du débardage d'un cargo. Elle s'approcha d'une première pile de palettes, un détail avait attiré son attention: elle s'agenouilla pour contrôler la vignette sanitaire qui garantissait le respect de la chaîne du froid. La pastille avait viré au noir. Zofia prit immédiatement son talkie-walkie et bascula sur le canal 5. Le bureau des services vétérinaires ne répondit pas à son appel. Le camion réfrigéré qui attendait au bout de la travée ne tarderait pas à emporter la marchandise impropre vers les nombreux restaurants de la ville. Il lui fallait trouver une solution au plus vite. Elle tourna la molette sur le canal 3.

– Manca, c'est Zofia, où êtes-vous?

Le poste grésilla.

– À la vigie, dit Manca, et il fait très beau si vous aviez un doute sur la question! Je pourrais presque voir les côtes chinoises!

– Le Vasco-de-Gama est en déchargement, pouvez-vous m'y rejoindre au plus vite?

– Il y a un problème?

– J'aimerais mieux en parler avec vous sur place, répondit-elle en raccrochant.

Elle attendait Manca au pied de la grue qui transbordait les palettes du navire vers la terre, il arriva quelques minutes plus tard, au volant d'un Fenwick.

– Alors qu'est-ce que je peux faire pour vous? demanda Manca.

– Au bout de cette grue, il y a dix palettes de crevettes non comestibles.

– Et?

– Comme vous pouvez le constater, les services sanitaires ne sont pas là et je n'arrive pas à les joindre.

– J'ai bien deux chiens et un hamster à la maison, mais je ne suis pas vétérinaire pour autant. Et puis qu'est-ce que vous y connaissez en crustacés, vous?

Zofia lui montra la pastille témoin.

– Les crevettes n'ont pas de secret pour moi! Si on ne s'en occupe pas, il ne fera pas bon aller au restaurant en ville ce soir…

– Ben oui, mais qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse, à part manger un steak chez moi?

– … Ni pour les petits de manger à la cantine demain!

La phrase n'était pas innocente, Manca ne supportait pas que l'on touche à un seul cheveu d'un enfant, ils étaient sacrés pour lui. Il la fixa quelques instants en se frottant le menton.

– Bon, d'accord! dit Manca en s'emparant de l’émetteur de Zofia.

Il changea la fréquence pour contacter le grutier.

– Samy, mets-toi au large!

– C'est toi, Manca? J'ai trois cents kilos au bout, ça peut attendre?

– Non!

La flèche pivota lentement, entraînant sa charge dans un lent balancement. Elle s'immobilisa à la verticale de l'eau.

– Bien! dit Manca dans le micro. Maintenant je vais te passer l'officier en chef de la sécurité qui vient de repérer une grosse faiblesse à ton arrimage. Elle va t'ordonner de larguer tout de suite pour que tu ne prennes pas de risque personnel, et tu vas lui obéir à la même vitesse parce que c'est son métier de faire des trucs comme ça!

Il tendit le combiné à Zofia avec un immense sourire. Zofia hésita et toussota avant de transmettre l'ordre. Il y eut un bruit sec et le crochet se défit. Les palettes de crustacés s'abîmèrent dans les eaux du port. Manca remonta sur son Fenwick. En démarrant, il oublia qu'il avait enclenché la marche arrière et renversa les caisses déjà à terre. Il s'arrêta à la hauteur de Zofia.

– Si les poissons sont malades cette nuit, c'est votre problème, je ne veux pas en entendre parler! Des papiers de l'assurance non plus!

Et le tracteur fila sans bruit sur l'asphalte.

L'après-midi touchait à sa fin. Zofia traversa la ville, la boulangerie qui fabriquait les macarons préférés de Mathilde se trouvait à la pointe nord de Richmond sur 45th Street. Elle en profita pour faire quelques courses.


Zofia rentra une heure plus tard, les bras chargés, et grimpa jusqu'à l'étage. Elle repoussa la porte du pied, elle ne voyait pas grand-chose devant elle et passa directement dernere le comptoir de la cuisine. Elle souffla en posant les paquets bruns sur le plateau en bois et releva la tête: Reine et Mathilde la regardaient avec un air plus qu'étrange.

– Je peux profiter de ce qui vous fait rire? demanda Zofia.

– Nous ne rions pas! assura Mathilde.

– Pas encore… mais à voir vos deux têtes, je parie que ça ne va pas tarder.

– Tu as reçu des fleurs! susurra Reine entre ses lèvres qu'elle pinçait.

Zofia les dévisagea tour à tour.

– Reine les a mises dans la salle de bains! ajouta Mathilde, la gorge nouée.

– Pourquoi dans la salle de bains? demanda Zofia, suspicieuse.

– L'humidité je suppose! répliqua Mathilde, hilare.

Zofia écarta le rideau de douche et entendit Reine ajouter:

– Ce genre de végétal a besoin de beaucoup d’eau!

Le silence régna d'une pièce à l'autre. Lorsque Zofia demanda qui avait eu la délicatesse de lui envoyer un nénuphar, le rire de Reine éclata dans le salon, celui de Mathilde suivit aussitôt. Reine retrouva suffisamment de contenance pour ajouter qu’il y avait un petit mot sur le rebord du lavabo.

Dubitative, Zofia le décacheta.


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