Читаем Sept jours pour une éternité… полностью

Extatique, Heurt commenta son dîner de la veille qui s'était déroulé au-delà de toutes ses espérances. Il avait instruit ses collaborateurs de son intention de fonder au sein du groupe un nouveau département qu'il baptiserait: Division Innovations. Le but de cette nouvelle unité serait de mettre en œuvre des outils commerciaux inédits pour conquérir de nouveaux marchés. Ed en prendrait la tête: cette expérience serait pour lui comme une cure de jouvence. L'action lui manquait. À l'heure où il lui parlait, plusieurs sous-directeurs se réjouissaient déjà à l'idée de former la nouvelle garde rapprochée du futur président. Décidément, Judas ne vieillirait jamais… il savait même être pluriel, pensa Lucas. Poursuivant son exposé, Heurt conclut qu'une petite concurrence avec son associé ne pourrait pas faire de mal, bien au contraire, un apport d'oxygène est toujours bénéfique.

– Vous partagez cette opinion avec moi, Lucas?

– Tout à fait, répondit-il en hochant la tête.

Lucas était aux anges: les intentions de Heurt allaient bien au-delà de ses espérances et laissaient présager la réussite de son projet. Au 666 Market Street, l'air du pouvoir ne tarderait pas à se raréfier. Les deux hommes discutèrent de la réaction d'Antonio. Il était plus que probable que son associé s'oppose à ses nouvelles idées. Il fallait un coup d'éclat pour lancer sa division, mais mettre au point une opération d'envergure n'était pas une chose aisée et demandait beaucoup de temps, rappela Heurt. Le vice-président rêvait d'un marché prestigieux qui légitimerait le pouvoir qu'il voulait conquérir. Lucas se leva et posa le dossier qu'il tenait sous le bras devant Ed. Il l'ouvrit pour en extraire un épais document:

La zone portuaire de San Francisco s'étendait sur de nombreux kilomètres, bordant pratiquement toute la côte est de la ville. Elle était en perpétuelle mutation. L'activité des docks survivait, au grand regret du monde immobilier qui avait pourtant bataillé ferme pour l'extension du port de plaisance et la transformation des terrains de front de mer, les plus prisés de la ville. Les petits voiliers avaient trouvé un ancrage dans une seconde marina, victoire des mêmes promoteurs qui avaient réussi à déplacer leur bataille un peu plus au nord. La création de cette unité résidentielle avait fait l'objet de toutes les convoitises des milieux d'affaires, et les maisons qui bordaient l'eau s'étaient arrachées à prix d'or. Plus avant, on avait aussi construit de gigantesques terminaux qui accueillaient les immenses paquebots. Les flots de passagers qu'ils déversaient suivaient une promenade récemment aménagée qui les conduisait au quai 39. La zone touristique avait donné naissance à une multitude de commerces et de restaurants. Les multiples activités des quais étaient source de gigantesques profits et d'âpres batailles d'intérêts. Depuis dix ans, les directeurs immobiliers de la zone portuaire se succédaient au rythme de un tous les quinze mois, signe indicateur des guerres d'influence qui ne cessaient de se dérouler autour de l'acquisition et de l'exploitation des rives de la cité.

– Où voulez-vous en venir? demanda Ed.

Lucas sourit malicieusement et déplia un plan: sur le cartouche on pouvait lire «Port de San Francisco, Docks 80».

– À l'attaque de ce dernier bastion!

Le vice-président voulait un trône, Lucas lui offrait un sacre!

Il se rassit pour détailler son projet. La situation des docks était précaire. Le travail, toujours dur, était souvent dangereux, le tempérament des dockers fougueux. Une grève pouvait s'y propager plus vite qu'un virus. Lucas avait déjà fait le nécessaire pour que l'atmosphère y soit explosive.

– Je ne vois pas en quoi cela nous sert, dit Ed en bâillant.

Lucas reprit d'un air détaché:

– Tant que les entreprises de logistique et de fret paient leurs salaires et leurs loyers, personne n'ose les déloger. Mais cela pourrait changer assez vite. Il suffirait d'une nouvelle paralysie de l'activité.

– La direction du port n'ira jamais dans cette direction. Nous allons rencontrer beaucoup trop de résistances.

– Cela dépend des courants d'influence, dit Lucas.

– Peut-être, reprit Heurt en dodelinant de la tête, mais, pour un projet de cette envergure, il nous faudrait des appuis tout au sommet.

– Ce n'est pas à vous qu'il faut expliquer comment on tire les ficelles du lobbying! Le directeur immobilier du port est à deux doigts d'être remplacé. Je suis certain qu'une prime de départ l'intéresserait au plus haut point.

– Je ne vois pas de quoi vous parlez!

– Ed, vous auriez pu inventer la colle au dos des enveloppes qui circulent sous les tables!

Le vice-président se redressa dans son fauteuil, ne sachant pas s'il devait se sentir flatté par cette remarque. En se dirigeant vers la porte, Lucas apostropha son employeur:

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