— Eh bien, on sentait qu’elle en contenait une seconde à l’intérieur. Il y a des gens qui font cela, pour protéger leur courrier. Et autre chose encore.
— Vous avez bonne mémoire, dit Adamsberg pour l’encourager.
— Ce n’est pas ça, c’est que quand je fais la levée, je dois tamponner sur chaque pli le fameux « cachet de la poste qui fait foi ». Alors forcément, on voit le courrier.
— Je comprends. Et donc, qu’est-ce qu’elle avait d’autre cette enveloppe ?
— On sentait sous les doigts que la seconde enveloppe de l’intérieur avait un relief. Une sorte de cercle ovale ou rond, un peu comme ces anciens cachets de cire qu’on utilisait dans le temps. Vous savez que les enveloppes autocollantes s’ouvrent facilement d’un doigt. Alors beaucoup y ajoutent un morceau de scotch. Mais le gars – ou la femme –, je me suis dit qu’il avait carrément scellé son enveloppe.
— Et l’adresse sur l’enveloppe qui avait collé, vous vous la rappelez ?
— Oh oui, car l’écriture à l’encre était très grande. C’était pour Combourg, destiné à l’entreprise « Votre logis de A à Z », dans la zone industrielle. C’est une boîte énorme, ils font de tout, les meubles, les sols, les isolants, l’électroménager, les lampadaires, tout. Moi j’y vais pas, c’est trop grand, je ne trouve rien et on s’énerve.
Adamsberg appela Matthieu, qui organisait le regroupement des renforts.
— Préviens les gars du cordon de se préparer à un départ en fin d’après-midi. Et renvoie les tiens à leurs casernements. Même si le dernier couteau ne lui appartenait pas, notre tueur a consommé les cinq coups de lame qu’il avait prévus, je pense que sa liste est close.
— Tu ferais bien d’appeler le ministère dès maintenant, dit Matthieu d’une voix nerveuse, on est samedi, ça risque d’être difficile d’avoir les dix hélicos pour le retour.
— On les aura, et j’espère qu’on ne sera pas dessaisis dans la foulée. Matthieu, on ne s’est pas trompés : notre homme a contacté par courrier une entreprise à Combourg, « Votre logis de A à Z », dans la zone industrielle.
— Je vois très bien. C’est une boîte géante. Je n’y vais jamais, on s’énerve là-dedans. Qui a-t-il contacté ?
— On ne le sait pas, il y avait une seconde enveloppe à l’intérieur qui devait porter l’adresse du destinataire. Et figure-toi qu’elle était cachetée. Oui, cachetée, comme dans l’ancien temps.
— Et comment tu as su cela ?
— Par le facteur, je t’expliquerai. Je vais contacter la secrétaire du patron de cette boîte. Je ne pense pas que je serai rembarré, tout le monde comprend la gravité de la situation à Louviec.
Adamsberg demanda à Mercadet de lui trouver le numéro d’appel du secrétariat du grand patron de l’entreprise « Votre logis de A à Z », à Combourg. Puis il s’éloigna pour appeler « là-haut », où l’attaché du ministre lui signifia clairement d’une voix glacée qu’on envisageait de le dessaisir. Qu’il s’y prépare.
— Ce n’est pas le moment, dit calmement Adamsberg. Notre tueur a réussi à passer le barrage, certes, mais pour y parvenir, il a commis l’erreur que j’espérais.
— Qui est ?
— Il a écrit. Et nous savons où. Il a un complice à Combourg. Il a pris cette diagonale pour nous contourner et nous allons la suivre. À quelle heure aurons-nous les hélicos pour rembarquer les troupes ?
— Parce que vous ne les jugez plus utiles ?
— Non. L’assassin avait programmé la mort de cinq personnes et le compte y est.
— Malheureusement pour vous, Adamsberg ! tonna le secrétaire ministériel. Ultime délai pour vous, vous m’entendez bien ? Ultime ! Je suis clair ?
— Parfaitement.
— Et les hélicos vers dix-huit heures, ajouta le secrétaire avant de raccrocher brutalement.
— Commissaire, intervint Mercadet sur un ton d’excuse, je me doute que ce n’est pas le moment mais Froissy m’a envoyé une image floue assez parlante du jeune agresseur de la bijouterie, vous vous rappelez ? Le type avec la cagoule à grosses mailles. Je vous la fais passer pour que vous décidiez si on la diffuse.
Mercadet lui envoya la photo du visage du jeune homme reconstitué à travers les mailles. Le résultat n’était pas spectaculaire, mais beaucoup moins vague que ce qu’il aurait supposé, et Froissy avait coloré l’image pour bien faire apparaître les cheveux roux.
— C’est bon, dit-il à Mercadet, faites circuler le portrait.
— Je viens de vous adresser les coordonnées de la secrétaire du patron de « A à Z ». Elle se nomme Estelle Braz.
— À ce propos, lieutenant, il me faut le nom du patron de l’entreprise « Votre logis de A à Z », et tout ce que vous pourrez ramasser sur lui.
— Ça marche.
Adamsberg rejoignit Matthieu et l’informa de la colère de l’attaché du ministre.
— Les hélicos à dix-huit heures. Quant à nous, on ne tient qu’à un fil, camarade.
— À se demander comment on tient encore. Je rassemble les véhicules et je fais le tour des hommes pour qu’ils se tiennent prêts au départ. Il est déjà presque onze heures trente.
— Je te laisse faire, rejoins-moi chez Johan avec les nôtres.