Maintenant, si de ces questions de l’int'erieur nous passions `a la situation du dehors, vous parlerai-je, monsieur, de la r'evolution de Juillet et des cons'equences probables qu’elle devait avoir pour votre patrie et qu’elle n’a pas eues? Ai-je besoin de vous dire que le principe de cette explosion, que l’^ame m^eme de ce mouvement c’'etait avant tout le besoin d’une revanche 'eclatante contre l’Europe, et principalement contre vous, c’'etait l’irr'esistible besoin de ressaisir cette pr'epond'erance de l’Occident, dont la France avait si longtemps joui et qu’elle voyait avec d'epit fix'ee depuis trente ans dans vos mains? Je rends assur'ement toute justice au roi des Francais, j’admire son habilet'e, je souhaite une longue vie `a lui et `a son syst`eme… Mais que serait-il arriv'e, monsieur, si, chaque fois que le gouvernement francais a essay'e depuis 1835 de porter ses regards par-dessus l’horizon de l’Allemagne, il n’avait pas constamment rencontr'e sur le tr^one de Russie la m^eme attitude ferme et d'ecid'ee, la m^eme r'eserve, la m^eme froideur, et surtout la m^eme fid'elit'e `a toute 'epreuve, aux alliances 'etablies, aux engagements contract'es? S’il avait pu surprendre un seul instant de doute, d’h'esitation, ne pensez-vous pas que le Napol'eon de la paix lui-m^eme se serait finalement lass'e de retenir toujours cette France, fr'emissante sous sa main, et qu’il l’aurait laiss'ee aller?.. Et que serait-ce, s’il avait pu compter sur de la connivence?..
Monsieur, je me trouvais en Allemagne `a l’'epoque o`u M. Thiers, c'edant `a une impulsion pour ainsi dire instinctive, se disposait `a faire ce qui lui paraissait la chose du monde la plus simple et la plus naturelle, c’est-`a-dire `a se venger sur l’Allemagne des 'echecs de sa diplomatie en Orient; j’ai 'et'e t'emoin de cette explosion, de la col`ere vraiment nationale que cette na"ive insolence avait provoqu'ee parmi vous, et je me f'elicite de l’avoir vue; depuis j’ai toujours entendu avec beaucoup de plaisir chanter le
J’ai nomm'e la presse. Ne croyez pas, monsieur, que j’aie des pr'eventions syst'ematiques contre la presse allemande, ou que je lui garde rancune de son inexprimable malveillance `a notre 'egard. Il n’en est rien, je vous assure; je suis tr`es dispos'e `a lui faire honneur des bonnes qualit'es qu’elle a, et j’aimerais bien pouvoir attribuer en partie au moins ses torts et ses aberrations au r'egime exceptionnel sous lequel elle vit. Ce n’est certes ni le talent, ni les id'ees, ni m^eme le patriotisme qui manquent `a votre presse p'eriodique; `a beaucoup d’'egards elle est la fille l'egitime de votre noble et grande litt'erature, de cette litt'erature qui a restaur'e parmi vous le sentiment de votre identit'e nationale. Ce qui manque `a votre presse, et cela `a un degr'e compromettant, c’est le tact politique, l’intelligence vive et s^ure de la situation donn'ee, du milieu r'eel dans lequel elle vit. Aussi remarque-t-on, dans ses manifestations comme dans ses tendances, je ne sais quoi d’impr'evoyant, d’inconsid'er'e, en un mot de moralement irresponsable qui provient peut-^etre de cet 'etat de minorit'e prolong'ee o`u on la retient.