10.
L’article le plus important de cette seconde partie est le 11e ainsi conçu: «Toutes recherches des opinions et votes émis jusqu’à la Restauration sont interdites.» Le même oubli est commandé aux tribunaux et aux citoyens[198].Chez un peuple enfant et vaniteux, cet article était un des moins importants pour l’autorité royale. Ceux que la faveur ne soutient pas en France sont toujours méprisés, et les gens protégés par cet article auraient été les flatteurs les plus déhontés. Mais les ministres étaient aussi enfants que le reste de la nation. Ils tinrent beaucoup à chasser certains membres de la Cour de cassation. Dans les palais des rois, on est toujours en avant de l’opinion que l’on suppose au prince[199]
.11.
Une niaiserie encore plus incompréhensible, pour qui n’a pas connu les meneurs de cette époque, fut celle de chasser quinze membres de l’Institut. Ce coup d’État si ridicule devint important par les conséquences. Il frappa la nation; ce fut l’avant-dernière goutte du vase qui va déborder; le lendemain, s’il l’avait pu, le peuple français eût chassé les Bourbons. Or que faisait et aux Bourbons et aux Français, que les noms suivants fussent de l’Institut: Guyton-Morveau, Carnot, Monge, Napoléon Bonaparte, Cambacérès, Merlin, Rœderer, Garat, Sieyès, le cardinal Maury, Lucien Bonaparte, Lakanal, Grégoire, Joseph Bonaparte et David?Ce qu’il y eut d’incroyable, c’est qu’on trouva à remplacer les éliminés. Il y eut des gens qui consentirent à entrer
Chapitre LXXXII
Retour à l’ancien régime
On sait assez comment le Corps Législatif était choisi sous Napoléon. Les sénateurs nommaient les protégés de leur cuisinière. Et cependant telle était l’énergie inspirée à la nation par le
Les ministres favoris, MM. D[ambray], F[errand], M[ontesquiou], B[lacas] ne perdaient aucune occasion de professer la doctrine de la monarchie absolue. Ils regrettaient publiquement cette vieille France où étaient réunis dans tous les cœurs, sans aucune distinction, ces mots sacrés: Dieu et le Roi[201]
.Bien entendu qu’on n’oubliait pas les droits aussi sacrés de la
Chapitre LXXXIII
Les biens nationaux
Les membres de l’ancien parlement s’étaient rassemblés le 4 juin chez M. Lepelletier de Morfontaine[204]
et avaient formellement protesté contre la charte. Ils avaient ainsi encouru le traitement dû à toutes les minorités: «Ou soumettez-vous aux lois, ou allez-vous-en[205]». On n’eut pas l’air de s’apercevoir de cette ridicule protestation, et aussitôt, la noblesse se prépara à en faire une semblable. En France, où chacun aspire à créer un régiment pour se faire colonel, ces sortes de démarches ont de l’importance. Ce sont les conspirations du pays. Un prince politique les eût punies avec sévérité.À Savenay (Loire-Inférieure), un sermon fut prêché le 5 mars: on disait aux fidèles que ceux qui ne rendraient pas leurs biens aux nobles et aux curés, comme représentants des moines, éprouveraient le sort de Jézabel et seraient dévorés par les chiens.