Quelques têtes se tournèrent dans sa direction lorsqu’elle pénétra dans l’immense salle creusée au cœur de la glace. Sigmon, le technicien en chef, un homme qui n’avait pas encore atteint ses cent ans et qui, lui, portait une épaisse combinaison fourrée pour se protéger du froid, vint à sa rencontre, la salua d’un sourire chaleureux et désigna le vaisseau d’un mouvement de menton.
« Belle pièce, n’est-ce pas ? »
L’appareil n’avait pas grand-chose à voir avec
« Quand sera-t-il achevé ? » demanda-t-elle.
Elle connaissait la réponse à cette question, mais elle voulait s’assurer que tout se déroulait conformément à ses prévisions.
« Il ne nous manque que le voleur de temps, dit Sigmon. S’il nous est livré dans les délais prévus, nous pourrons décoller dans quatre mois.
— C’est long », soupira-t-elle.
Il haussa les épaules.
« Sans voleur de temps, nous risquerions de nous perdre dans l’espace…
— D’après nos correspondants du Nord, le gouvernement de l’Un prépare une opération d’envergure, et je doute fort qu’elle soit dirigée contre la coalition des satellites.
— Vous voulez dire que… ? »
Verna acquiesça d’un hochement de tête qui fit frissonner ses longs cheveux blancs.
« Les dioncles nous ont peut-être localisés. Nous avons réussi à les aiguiller sur de fausses pistes pendant près de deux siècles et demi, mais ces oiseaux de proie font preuve d’une remarquable ténacité.
— Nous ne nous mêlons pourtant pas de leurs affaires ! gronda Sigmon.
— Nous symbolisons ce qu’ils détestent le plus : la flamme minuscule de la liberté. Qui doit vous livrer le voleur de temps ?
— Un réseau de contrebandiers du Voxion.
— Sont-ils fiables ? »
Les lèvres de Sigmon s’étirèrent en une moue dubitative.
« On ne sait jamais avec ces gens-là. Nous ne sommes pas les seuls à vouloir quitter Ester, et ils auront peut-être la tentation de se vendre au plus offrant. Sans compter le risque d’arraisonnement par les légions volantes du Moncle.
— Eh bien, il ne nous reste plus qu’à espérer que vous avez misé sur les bons yonaks. Tenez-moi au courant quoi qu’il arrive. »
Sigmon s’inclina, remonta le col de sa combinaison et retourna converser avec les autres techniciens regroupés près du socle. Verna les observa pendant quelques secondes : les uns étaient originaires des deux continents d’Ester, d’autres du Voxion, ils avaient subi de nombreux contrôles destinés à mesurer leurs aptitudes mentales et physiques, ils étaient passés à l’épreuve de vérité des Qvals, mais l’esprit humain se recouvrait d’un voile de plus en plus opaque au fur et à mesure qu’on essayait d’approcher son mystère, et l’Église monclale était passée experte dans l’art et la manière d’infiltrer les réseaux clandestins.
Verna embrassa d’un large regard le hangar, les murs de glace enrobés de givre, le plafond étayé par des chevrons métalliques, percé tous les vingt mètres de bouches d’aération, hérissé de stalactites qui grossissaient d’année en année, le sol souillé par les incessants déplacements des techniciens et des ouvriers, les diverses machines magnétic qui avaient servi à la construction de l’
« Vous avez mis le temps, fit Lill lorsqu’elle s’introduisit dans sa chambre.
— Je suis allée voir Sigmon, répondit Verna en s’asseyant sur le fauteuil de peau dressé au pied du lit de la prima. Nous ne pouvons pas couper au délai supplémentaire de quatre mois. »