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«Prétentieux que vous êtes, leur dis-je, qui suivez la danse des ombres sur les murs avec l'illusion de connaître, qui lisez pas à pas les propositions de géométrie sans concevoir qu'il fut quelqu'un qui marcha pour les établir, qui lisez les traces dans le sable sans découvrir qu'il fut quelqu'un ailleurs qui refusa d'aimer, qui lisez l'ascension de la vie à partir des matériaux sans connaître qu'il fut quelqu'un qui réfuta et qui choisit, ne venez pas auprès de moi, vous les esclaves, armés de votre marteau à clous, feindre d'avoir conçu et lancé le navire.

«Celui-là qui était seul de son espèce et qui est mort, je l'eusse certes assis à mes côtés s'il l'eût souhaité afin qu'auprès de moi il gouvernât les hommes. Car celui-là venait de Dieu. Et son langage savait me découvrir cette bien-aimée lointaine qui, n'étant point de l'essence du sable, n'y était point d'emblée possible à lire.


«De mélanges possibles en nombre infini il savait élire celui-là que nulle réussite ne distinguait encore et qui cependant seul conduisait quelque part. Quand, faute de fil conducteur dans le labyrinthe des montagnes, nul ne peut progresser par déduction, car ton chemin tu connais qu'il échoue à l'instant seulement où se montre l'abîme, et qu'ainsi le versant opposé est encore ignoré des hommes, alors parfois se propose ce guide qui, comme s'il revenait de là-bas, te trace la route. Mais une fois parcourue, cette route demeure tracée et t'apparaît comme évidente. Et tu oublies le miracle d'une démarche qui fut semblable à un retour.»


LXXIX


Vint celui-là qui contredit mon père: «Le bonheur des hommes…», disait-il. Mon père lui coupa la parole:

«Ne prononce point ce mot chez moi. Je goûte les mots qui portent en eux leur poids d'entrailles, mais rejette les écorces vides.

— Cependant, lui dit l'autre, si toi, chef d'un empire, tu ne te préoccupes point le premier du bonheur des hommes…

— Je ne me préoccupe point, répondit mon père, de courir après le vent pour en faire des provisions, car, si je le tiens immobile, le vent n'est plus.

— Mais, dit l'autre, si j'étais le chef d'un empire, je souhaiterais que les hommes fussent heureux…

— Ah! dit mon père, ici je t'entends mieux. Ce mot-là n'est point creux. J'ai connu, en effet, des hommes malheureux et des hommes heureux. J'ai connu aussi des hommes gras ou maigres, malades ou sains, vivants ou morts. Et moi aussi je souhaite que les hommes soient heureux, de même que je les souhaite vivants plutôt que morts. Encore qu'il faut bien que les générations s'en aillent.

— Nous sommes donc d'accord, s'écria l'autre.

— Non», dit mon père. Il songea, puis:

«Car quand tu parles de bonheur, ou bien tu parles d'un état de l'homme qui est d'être heureux comme d'être sain, et je n'ai point d'action sur cette ferveur des sens, ou bien tu parles d'un objet saisissable que je puis souhaiter de conquérir. Et où donc est-il?

«Tel homme est heureux dans la paix, tel autre est heureux dans la guerre, tel souhaite la solitude où il s'exalte, tel autre a besoin pour s'en exalter des cohues de fête, tel demande ses joies aux méditations de la science, laquelle est réponse aux questions posées, l'autre, sa joie, la trouve en Dieu en qui nulle question n'a plus de sens.

«Si je voulais paraphraser le bonheur je te dirais peut-être qu'il est pour le forgeron de forger, pour le marin de naviguer, pour le riche de s'enrichir, et ainsi je n'aurais rien dit qui t'apprît quelque chose. Et d'ailleurs le bonheur parfois serait pour le riche de naviguer, pour le forgeron de s'enrichir et pour le marin de ne rien faire. Ainsi t'échappe ce fantôme sans entrailles que vainement tu prétendais saisir.

«Si tu veux comprendre le mot, il faut l'entendre comme récompense et non comme but, car alors il n'a point de signification. Pareillement je sais qu'une chose est belle, mais je refuse la beauté comme un but. As-tu entendu le sculpteur te dire: «De cette pierre je dégagerai la beauté?» Ceux-là se dupent de lyrisme creux qui sont sculpteurs de pacotille. L'autre, le véritable, tu l'entendras te dire: «Je cherche à tirer de la pierre quelque chose qui ressemble à ce qui pèse en moi. Je ne sais point le délivrer autrement qu'en taillant.» Et, que le visage devenu soit lourd et vieux, ou qu'il montre un masque difforme, ou qu'il soit jeunesse endormie, si le sculpteur est grand tu diras de même que l'œuvre est belle. Car la beauté non plus n'est point un but mais une récompense.

«Et lorsque je t'ai dit plus haut que le bonheur serait pour le riche de s'enrichir, je t'ai menti. Car il s'agit du feu de joie qui couronnera quelque conquête, ce seront ses efforts et sa peine qui se trouveront récompensés. Et si la vie qui s'étale devant lui apparaît pour un instant comme enivrante, c'est au titre où t'emplit de joie le paysage entrevu du haut des montagnes quand il est construction de tes efforts.

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