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Si donc le langage par lequel tu me communiques tes raisons d'agir est autre chose que le poème qui doit me charrier de toi une note profonde, s'il ne couvre rien d'informulable mais dont tu prétendes me charger, alors je te refuse.

Si tu changes ton comportement non pour un visage apparu qui fonde ton nouvel amour mais pour un faible tremblement de l'air qui ne charrie que logique stérile et sans poids, alors je te refuse.

Car on ne meurt point pour le signe mais pour la caution du signe. Laquelle impose, si tu veux l'exprimer, ou commencer de l'exprimer, le poids des livres de toutes les bibliothèques de la terre. Car ce que j'ai saisi si simplement dans ma capture je ne puis point te l'énoncer. Car il faut bien que tu aies toi-même marché pour recevoir dans son plein sens la montagne de mon poème. Et de combien de mots, pendant combien d'années, ne faudrait-il pas que j'use si je désirais transporter la montagne en toi qui n'as jamais quitté la mer?

Et la fontaine, si tu n'as jamais eu soif et n'as jamais l'une contre l'autre serré les mains, les offrant pour recevoir. Je puis bien chanter les fontaines: où est l'expérience que je mets en marche et les muscles que réveilleront tes souvenirs?

Je sais bien qu'il ne s'agissait pas de te parler d'abord des fontaines. Mais de Dieu. Mais pour que mon langage morde et puisse me devenir et te devenir opération, il faut bien qu'il accroche en toi quelque chose. C'est pourquoi, si je désire t'enseigner Dieu, je t'enverrai d'abord gravir des montagnes afin que crête d'étoiles ait pour toi sa pleine tentation. Je t'enverrai mourir de soif dans les déserts afin que fontaines te puissent enchanter. Puis je t'enverrai six mois rompre des pierres afin que soleil de midi t'anéantisse. Après quoi je te dirai: «Celui-là qu'a vidé le soleil de midi, c'est dans le secret de la nuit venue qu'ayant gravi la crête d'étoiles, il s'abreuve au silence des divines fontaines.»

Et tu croiras en Dieu.

Et tu ne pourras me le nier puisque simplement il sera, comme est la mélancolie dans le visage si je l'ai sculptée.

Car il n'est point langage ou acte mais deux aspects du même Dieu. C'est pourquoi je dis prière le labeur, et labour, la méditation.


LXXXII


Et me vint la grande vérité de la permanence.

Car tu n'as rien à espérer si rien ne dure plus que toi. Et je me souviens de cette peuplade qui honorait ses morts. Et la pierre tombale de chaque famille l'une après l'autre recevait les morts. Et elles étaient là qui établissaient cette permanence.

«Etes-vous heureux? leur demandai-je.

— Et comment ne le serions-nous pas, sachant où nous irons dormir?…»

LXXXIII


Me vint une lassitude extrême. Et me parut plus simple de me dire que j'étais comme abandonné de Dieu. Car je me sentais sans clef de voûte et rien ne retentissait plus en moi. Elle s'était tue la voix qui parle dans le silence. Et ayant gravi la tour la plus haute je songeais: «Pourquoi ces étoiles?» Et mesurant du regard mes domaines, je me demandais: «Pourquoi ces domaines?» Et comme montait une plainte de la ville endormie je m'interrogeais: «Pourquoi cette plainte?» J'étais perdu comme un étranger dans une foule disparate qui ne parle point son langage. J'étais comme un habit dont l'homme s'est dévêtu. Défait et seul. J'étais pareil à une maison inhabitée. Et très exactement c'est la clef de voûte qui me manquait car rien de moi ne pouvait plus servir. «Et cependant je suis le même, me disais-je, sachant les mêmes choses, conscient des mêmes souvenirs, spectateur du même spectacle, mais désormais noyé dans le disparate inutile.» Ainsi la basilique la mieux jaillie, s'il n'est personne pour la considérer dans son ensemble, ni pour en goûter le silence, ni pour en faire la signification dans la méditation de son cœur, n'est plus que somme de pierres. Ainsi de moi et de ma sagesse et des perceptions de mes sens et de mes souvenirs. J'étais somme d'épis et non plus gerbe. Et je connus l'ennui qui est d'abord d'être privé de Dieu.

Non supplicié, ce qui est d'un homme, mais avorté. J'eusse aisément été cruel, dans cet ennui de mon jardin où j'allais à pas vides exactement comme quelqu'un qui attend quelqu'un. Et qui persiste dans un univers provisoire. J'adressais bien des prières à Dieu mais ce n'étaient point des prières, car elles ne montaient point d'un homme, mais d'une apparence d'homme, cierge préparé mais sans flamme. «Ah! que rentre en moi ma ferveur», disais-je. Sachant que la ferveur n'est fruit que du nœud divin qui noue les choses. Il est alors un navire gouverné. Il est une basilique vue. Mais qu'est-il, sinon matériaux en vrac, si tu ne sais plus lire à travers, ni l'architecte ni le sculpteur?

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