Un groupe d’agents se tenait près de trois voitures du 19e train. Un corps de police se trouvait devant la statue de Strasbourg, à l’endroit où le trottoir tourne pour rejoindre la rue de Rivoli. Vers l’Obélisque, il y avait encore un groupe d’agents et une voiture d’ambulance avec trois soldats du train. Nous avons demandé à ces agents s’ils avaient des blessés. Ils ont répondu qu’ils n’avaient que des blessés légers.
Sur la vasque de la fontaine située entre l’obélisque et la rue Royale, il y avait un groupe de gens contre les statues. Cela m’a fait dire: tiens, les statues qui remuent ! En effet, les gens étaient adhérents aux statues. Ils se maintenaient serrés sous la vasque.
Il y avait des groupes de gens depuis l’avenue Gabriel jusqu’au Coursla-Reine, une masse noire qui s’enfonçait dans l’avenue des Champs-Elysées, et un groupe appuyé au cheval de Marly qui est du côté de l’ambassade des Etats-Unis. On distinguait quelques personnes entre l’avenue Gabriel, les Champs-Elysées et l’Obélisque.
M. le Président: Quelle heure était-il ?
Mlle Sumpt: 23h 5.
M. le Président: Avez-vous assisté à des charges ?
Mlle Sumpt: Non, à aucune.
M. le Président: Et après, vous êtes restée jusqu’à quelle heure ?
Mlle Sumpt: Jusqu’à minuit et demi.
Nous avons ramassé un homme matraqué, seul près de la fontaine. Il y avait là trois gardes mobiles qui étaient en train de l’assommer. Nous l’avons dégagé. Nous avons pu le mettre dans une voiture qui l’a emmené à Beaujon.
A 11h10 nous avons vu trois manifestants, un petit garçon, un homme en pardessus et un ouvrier en casquette, une espèce d’artisan. Ils étaient en train de jeter des pierres sur la police. Nous leur avons dit de ne pas jeter des pierres: « Ou bien cela ne f
J’avais arraché un morceau de fonte de la main du petit garçon. Ils sont partis.
Les gardes barraient le pont. Sur la place, la ligne de la troupe était coupée en deux par la fontaine. Devant l’entrée des Tuileries à peu près, il y avait comme une petite barricade formée par des dalles que l’on avait levées pour refaire les terre-pleins. En rejoignant sa ligne, sur la gauche, un garde s’est écrasé contre l’angle de l’Obélisque qui regarde le Cours-la-Reine. Le cheval s’est pris les jambes dans la grille et le cavalier est tombé.
M. le Président: A ce moment, vous avez assisté à une charge ?
Mlle Sumpt: A une seule, monsieur le Président !
Alors le tir s’est déclenché. Un journaliste est venu. Des balles frappaient contre la voiture.
M. le Président: Vous avez entendu les balles siff
Mlle Sumpt: Cinq ou six fois. Cela partait du pont. Les balles frappaient les autocars qui étaient devant la statue de Strasbourg. Une voie forte a crié: l’inf
M. le Président: Il a été frappé par derrière ?
Mlle Sumpt: Oui, elle l’a traversé de part en part.
M. le Président: Il fuyait ?
Mlle Sumpt: Il était parmi les gens qui s’égrenaient sur la place.
M. le Président: Qu’elle heure était-il ?
Mlle Sumpt: 23h 45.
M. le Président: Vous avez entendu les sommations ?
Mlle Sumpt: Aucune.
M. le Président: Vous avez entendu des coups de clairons ?
Mlle Sumpt: Non. J’ai entendu le bruit des balles. On a crié: On tire ! On tire !
C’est à ce moment qu’un journaliste m’a tiré en arrière et m’a dit: Ne restez pas là, abritez-vous. J’ai répondu: Je ne me suis jamais abritée ni au Chemin-des-Dames, ni ailleurs. Le journaliste a ajouté: Pas de forfanteries! Si vous n’étiez pas là, qui soignerait les blessés ?
M. le Président: Une fois que vous avez constaté que l’on tirait que s’est-il passé ?
Mlle Sumpt: J’ai reçu Coudreau, un enfant de Belleville, qui venait d’être tué.
M. le Président: Peu de temps après Rossignol ?
Mlle Sumpt: A trois minutes après l’autre.
M. le Président: Et vous avez constaté qu’il avait été frappé par une balle ?
Mlle Sumpt: Je ne peux dire que le nom de l’homme, Robert Coudreau, rue des Amandiers.
(Mlle Sumpt remet à M. le Président un plan des lieux.)
M. le Président: Après ce qu’il venait de se passer vous êtes restée encore sur la place ?
Mlle Sumpt: Cinq minutes, pendant que les drapeaux déf