Entre-temps, c’est un déferlement de journalistes sur Bruay et sa région. La ville est transformée en une véritable « étape du Tour de France ». Les journalistes aussi sont divisés entre les partisans de Leroy et ceux qui sont persuadés de sa culpabilité. Certains s’immiscent dans l’affaire jusqu’à prendre domicile dans les corons, interroger les témoins et le voisinage. Ils refont l’enquête. Sur les ondes, les chroniqueurs judiciaires sont à leur affaire. Sur les deux, et bientôt trois, chaînes de télévision, le crime de Bruay est traité en abondance; 61 fois en trois mois sur la première chaîne, un record pour un tel sujet. A l’omniprésence de la radio et de la télévision s’ajoute l’abondance de la presse écrite. Quotidiens et hebdomadaires atteignent les tirages les plus élevés depuis la Libération. L’affaire de Bruay fait vendre; elle est devenue un feuilleton national avec ses rebondissements et ses moments de crispation.
Cette passion pour l’affaire de Bruay-en-Artois, s’explique de plusieurs manières. Outre le fait divers qui s’éternise, au risque d’ailleurs de lasser, l’hypothèse du notaire coupable renvoie l’image de la lutte des classes, encore bien présente dans la société française de 1972. Certes, la mine est sur son déclin. Le voyage du Premier ministre Chaban-Delmas en mars dernier n’avait rien pour rassurer; la promesse d’une reconversion industrielle du Nord signe l’acte de décès des bassins houillers, avec leur aristocratie ouvrière: les mineurs. Ce sont encore des mots qui parlent à l’époque, malgré les métamorphoses des « Trente glorieuses » et la poussée d’une société de consommation qui n’ont pas effacé les traces des distinctions sociales. A sa manière, le terrain vague qui sépare la villa Mayeur, qui n’a pourtant rien d’ostentatoire, des maisons de briques du coron, symbolise à la fois bien des frustrations mais aussi le déclin de cette société de la mine et de toute sa culture. Bruay, une ville champignon du XIXe siècle qui a dépassé les 30 000 habitants avant la Seconde guerre mondiale, se dépeuple. Les jeunes partent vers la région parisienne, vers les nouvelles usines de Douai ou le port de Dunkerque. Le cycle des générations de mineurs est interrompu. Alors la mort de la petite Brigitte, c’est un peu celle annoncée d’une civilisation.
Mais c’est parce que le mineur, en cette f