Il existe lа-bas des rйgions au climat exquis qui permettrait peut-кtre la guйrison de ta fille et t'aiderait en mкme temps а reprendre des forces. Qui sait ? Tu oublierais sans doute le tumulte de la ville et reviendrait plus tard parmi nous dans de meilleures dispositions. L'actuel procurateur de Judйe est notre ami. Tu pourrais ainsi rйsoudre diffйrents problиmes d'ordre personnel tout en conservant tes fonctions. D'autant qu'il ne me serait pas difficile d'obtenir de l'Empereur une dispense а tes travaux au Sйnat pour que tu continues а percevoir les subsides de l'Йtat, tant que tu serais en Judйe. Qu'en penses-tu ? Tu pourrais partir tranquille car je prendrais а ma charge la direction de toutes tes affaires а Rome en veillant а tes intйrкts et sur tes propriйtйs.
Publius laissa transparaоtre dans son regard une lueur d'espoir, et comme s'il analysait ce projet sous tous ses angles, il dit :
L'idйe est providentielle et gйnйreuse, mais la santй de Livia ne m'autorise pas а prendre une dйcision immйdiate et dйfinitive.
Pourquoi ?
Nous attendons pour bientфt, notre deuxiиme enfant.
Et quand doit-il naоtre ?
Dans six mois.
Ce voyage t'intйresserait-il aprиs l'hiver prochain ? -Oui.
Trиs bien, tu seras donc en Judйe dans un an prйcisйment.
Les deux amis reconnurent que leur entretien avait йtй long.
L'averse avait cessй. Le firmament йpurй resplendissait de constellations limpides.
La circulation des charrettes bruyantes recommenзait dйjа, accompagnйes des cris hargneux des conducteurs, car dans la Rome impйriale, les heures du jour йtaient exclusivement rйservйes au trafic des palanquins, des patriciens et des piйtons.
Йmu, Flaminius prit congй de son ami, puis remonta dans une litiиre somptueuse portйe par des esclaves prestes et herculйens.
Dиs qu'il fut seul, Publius Lentulus se dirigea vers la terrasse oщ soufflaient les brises de la nuit avancйe.
А la lueur d'un somptueux clair de lune, il contempla le quartier romain qui s'йtendait sur les collines sacrйes de la citй glorieuse. Il йtendit son regard au paysage nocturne et songeant aux problиmes profonds de la vie
UN ESCLAVE
Dиs dйbut de l'Empire, la femme romaine s'йtait livrйe aux distractions et au luxe excessif, au dйtriment des obligations sanctifiantes du foyer et de la famille.
La facilitй avec laquelle il йtait possible d'acquйrir des esclaves employйs pour les services les plus rudes comme aux tвches les plus йlevйes d'ordre domestique, йducationnel et en matiиre d'instruction, avait fortement йbranlй l'йquilibre moral des familles patriciennes. De plus, la propagation des articles de luxe venus d'Orient, associйe а l'oisivetй, avait rйduit les efforts et le travail des matrones romaines, les tournant vers les frivolitйs vestimentaires et les intrigues amoureuses, prйludant de la plus complиte dйsorganisation familiale dans l'oubli des traditions les plus remarquables.
Cependant, quelques foyers avaient rйsistй hйroпquement а cette invasion de forces perverses et dйvastatrices.
А cette йpoque, certaines femmes йtaient fiиres des anciennes vertus familiales ; elles honoraient celles qui les avalent prйcйdйes et qui avaient crйй des gйnйrations d'вmes sensibles et nobles.
Les йpouses de Publius et de Flaminius йtalent de ce nombre. Intelligentes et valeureuses, toutes deux fuyaient la vague dйpravante de leur йpoque, et reprйsentaient deux modиles de bon sens et de simplicitй.
Les derniиres traces de l'hiver de l'an 32 avaient dйjа disparu. La terre printaniиre et йpanouie se rйpandait en un immense jardin de fleurs et de parfums...
Par une belle journйe claire et ensoleillйe, Livia йtait chez elle а converser aimablement avec Calpurnia, pendant que deux jeunes garзons dessinaient distraitement dans un coin de la piиce.
Les deux femmes faisaient des prйparatifs de voyage, retouchaient les dйfauts de quelques piиces en laine et йchangeaient des impressions а mi-voix sur un ton amical et discret.
А un moment donnй, alors que les deux garзons йtalent en train de jouer dans une piиce contiguл, Livia attira l'attention de son amie en ces termes :
Tes petits ne font pas leurs exercices coutumiers, aujourd'hui ?
Non, ma bonne Livia - rйpondit Calpurnia avec dйlicatesse, devinant ses intentions -, non seulement Pline mais aussi Agrippa consacrent leur journйe а ta petite malade. Je comprends tes apprйhensions et tes scrupules maternels concernant la bonne santй de nos enfants ; mais tes craintes sont sans fondement...