Il y a 2000 ans

Le sйnateur baissa les yeux, humiliй et confus face а cette rйponse inattendue, tandis que Livia et Anne, comme touchйes par une force invisible et mystйrieuse face а la scиne inopinйe, cachaient leur visage inondй de larmes.

LE MESSIE DE NAZARETH

Le lendemain au lever du jour, de sйrieuses inquiйtudes attendaient Publius et sa

famille.

De bonne heure, il discutait dйjа en compagnie de son йpouse qui s'adressait а lui d'une voix suppliante et aimante :

Chйri, je pense que tu devrais assouplir un peu ta position face aux difficultйs oщ le destin nous a placйs et aller voir cet homme gйnйreux pour le bien de notre fille. Tout le monde fait rйfйrence а ses actions, saisi par sa bontй йdifiante, et je crois que son cњur s'apitoiera sur notre malheureuse situation.

Apprйhensif et incertain, le sйnateur l'йcoutait, puis s'exclama finalement :

Trиs bien, Livia, j'accйderai а tes dйsirs mais seule l'angoisse qui nous fait souffrir me fait transiger aussi violemment avec mes principes.

Cependant, je ne procйderai pas comme tu le suggиres. J'irai seul en ville, comme si de rien n'йtait, je passerai par le chemin de traverse qui conduit aux bords du lac, sans en arriver а aborder personnellement le prophиte pour ne pas rabaisser ma dignitй sociale et politique, mais si une occasion favorable se prйsente, je lui ferai comprendre combien sa visite а notre petite malade, nous ferait plaisir.

Trиs bien ! - dit Livia, а la fois rйconfortйe et reconnaissante - je garde en mon вme la foi la plus sincиre et la plus profonde. Oui, va, chйri !... Je resterai ici а supplier la bйnйdiction des cieux pour notre initiative. Le prophиte, qui а prйsent est considйrй comme un vйritable mйdecin des вmes, saura que derriиre ta position de sйnateur de l'Empire, il est des cњurs qui souffrent et pleurent !...

Publius remarqua que son йpouse s'exaltait а ses considйrations, se laissant aller а ce qu'il jugeait un excиs de faiblesse et d'йmotivitй, mais il ne lui fit aucun reproche vu le moment difficile susceptible d'йgarer l'esprit le plus solide.

Il laissa les heures agitйes du jour s'йcouler avec les clartйs du coucher de soleil et lorsque le crйpuscule dйversa ses tons rouges sur le paysage merveilleux, il sortit, feignant d'кtre distrait et dйtendu, comme s'il dйsirait connaоtre de prиs l'ancienne fontaine de la ville, motif d'attraction pour tous les йtrangers.

Aprиs avoir parcouru environ trois cents mиtres, il croisa des passants et des pкcheurs qui rentraient chez eux et le dйvisageaient avec une curiositй mal dissimulйe.

Une heure s'йcoula alors qu'il йtait plongй dans ses tristes rйflexions.

Un immense voile d'ombres envahissait toute la rйgion pleine de vitalitй et de parfums.

Oщ serait donc le prophиte de Nazareth а cette heure ? L'histoire de ses miracles et de sa charmante magie sur les вmes ne serait-elle pas une simple illusion ? N'йtait-il pas absurde de le chercher le long des chemins, faisant taire les impйratifs de sa hiйrarchie sociale ? En tout cas, il devait s'agir d'un homme simple et ignorant, vu sa prйfйrence pour Capharnaum et pour les pкcheurs.

Tout en laissant libre cours aux idйes qui lui passaient par la tкte, l'esprit bouillonnant et abattu, Publius Lentulus se dit que l'hypothиse d'une telle rencontre avec le maоtre de Nazareth йtait peu probable.

D'ailleurs, comment se comprendraient-ils ?

L'apprentissage minutieux des dialectes du peuple ne l'avaient pas intйressй et Jйsus lui parlerait certainement en aramйen, cette langue ordinairement utilisйe dans le bassin de Tibйriade.

De profondes inquiйtudes dйbordaient de son esprit sur son cњur comme les ombres du crйpuscule prйcйdant la nuit.

Le ciel, а cette heure, йtait d'un bleu merveilleux alors que les clartйs opalines du clair de lune n'avaient pas attendu que l'йventail immense de la nuit se referme complиtement.

Le sйnateur sentit son cњur perdu dans un abоme de cogitations infinies а palpiter effrйnй dans sa poitrine oppressйe. Une pйnible йmotion assaillait а prйsent les fibres les plus intimes de son esprit. Machinalement, il s'assit sur un banc en pierres ornй de ronces et se laissa aller а sonder l'infini de ses pensйes.

Jamais il n'avait ressenti une telle sensation sinon dans ce rкve mйmorable qu'il n'avait relatй qu'а Flaminius.

Il se rappelait des moindres faits de sa vie, il semblait avoir abandonnй temporairement la geфle de son corps physique. Il ressentait une profonde extase devant la nature et ses merveilles, sans savoir comment exprimer l'admiration et la reconnaissance envers les pouvoirs cйlestes telle йtait la rйclusion dans laquelle il avait toujours gardй son cњur orgueilleux et insoumis.

Des eaux calmes du lac de Gйnйsareth semblaient йmaner de doux parfums qui se mariaient dйlicieusement а l'arфme champкtre du feuillage.

Et а cet instant, comme si son esprit avait йtй sous l'emprise d'un йtrange et doux magnйtisme, il entendit des pas lйgers se rapprocher.