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Vous croyez que c’est fini?… Ah! que vous connaissez peu les théologiens! Quelques-uns ont déniché une tradition, en vertu de laquelle Adam serait demeuré excommunié cent cinquante ans pour avoir mangé du fruit défendu, et il aurait vécu pendant ce temps-là avec une femme qui, comme lui, aurait été formée de la terre et qu’ils nomment Lilia; ils ajoutent qu’il engendra des diables par son commerce avec cette femme, et qu’enfin il épousa Eve, lorsque son excommunication fut levée, et qu’alors il engendra des hommes. Il est juste de dire que cette opinion n’a pas prévalu. Enfin, d’autres commentateurs, qualifiés également d’hérétiques et cités par saint Epiphane, ont soutenu que le diable avait eu affaire avec Ève comme un mari avec sa femme, et cela même après la sortie de l’Eden, et qu’il en avait eu Caïn et Abel. Voilà donc des compensations: Adam quitte Eve pour faire des diables avec une autre femme, et le diable va trouver Ève pour faire des hommes avec elle.

Et la question des couches d’Eve?… Les chers théologiens y ont trouvé aussi une mine inépuisable de controverses. Mais cela nous mènerait trop loin. En dernier lieu, rappelons une célèbre et savante dissertation de l’allemand Reinhardt, où est agitée la question de savoir si, oui ou non, Adam et Ève avaient un nombril!…

Tout ça, c’est des bêtises, comme dit l’autre. Arrivons à ce qui est sérieux, attendu que ce qui est sérieux dans la Bible n’en est pas moins à mourir de rire.

Donc Abel fut berger, et Caïn agriculteur; et nous allons voir bientôt ce vieux toqué de Jéhovah préférer Abel à Caïn. Or, je vous prie d’y réfléchir une seconde seulement: lequel des deux fils d’Adam, s’il vous plaît, avait obéi à Dieu dans le choix de sa profession? C’est Caïn, parbleu! puisque l’Eternel avait ordonné à l’humanité de cultiver la terre et de se nourrir exclusivement de ce que produiraient les champs, sauf à transformer le blé en pain. Abel, lui, se met berger; s’il gardait et élevait des troupeaux de moulons, ce n’était évidemment pas pour le plaisir de les regarder paître, en enfilant des perles; c’est, en réalité, parce qu’il appréciait surtout le mouton au point de vue du gigot et des côtelettes, dont il se régalait, cela tombe sous le sens. Abel contrevenait donc carrément aux formelles et récentes prescriptions divines; et c’est lui qui fut le petit chéri du seigneur Jéhovah!… Décidément, ô curés impayables, ce n’est pas dans vos tabernacles qu’il faut enfermer votre papa Bon Dieu; c’est dans une cellule de Charenton.

«3. Or, il arriva au bout de quelque temps que Caïn offrit en oblation à l’Eternel des fruits de la terre;

4. Et qu’Abel aussi offrit des premiers nés de son troupeau, et de leur graisse. Et l’Eternel fut content d’Abel et de ses présents;

5. Mais il ne fut pas content de Caïn ni de ses présents. Et Caïn fut irrité, et son visage fut abattu.»

Il y avait de quoi la trouver mauvaise, en effet.

«6. Et l’Eternel dit à Caïn: Pourquoi es-tu en colère et pourquoi ton visage est-il abattu?

7. Si tu fais bien, ne sera-t-il pas reçu? Mais, si tu ne fais pas bien, la peine du péché est à la porte. Or, ses désirs se rapportent à toi; et il sera sous ta puissance.»

La Bible ne mentionne aucune réponse de Caïn à Dieu. J’avoue que, si je m’étais trouvé à sa place, le galimatias incompréhensible du verset 7 m’aurait complètement abasourdi.

Caïn n’était pas prophète. Sans quoi, en négligeant le galimatias susdit, il aurait pu répondre à son interlocuteur:

— Ce sont donc les offrandes de viandes que vous préférez, mon vieux Jéhovah?… Eli bien, vous donnez un exemple qui sera suivi par les sacrificateurs païens… Vous avez justement mêmes goûts qu’auront les idoles, et ces goûts seront plus tard déclarés grossiers et indignes de la divinité… savez-vous par qui?… par les piètres mêmes du catholicisme.

Mais Caïn ne répondit point. Cet homme, qui avait pris tant de peine à mener à bien la culture de ses melons, qui offrait au Seigneur ses cantaloups les plus succulents et qui les voyait méprisés, cet homme comprit que Dieu se fichait de lui par-dessus le marché, et il en fut tellement vexé qu’il en perdit un moment la tête. Au lieu d’en vouloir au capricieux et impoli Jéhovah, il commit la faute de s’en prendre à son frère.

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