Ainsi, c’est clair, ça: nos deux nigauds Adam et Eve, à qui le fruit de l’arbre de vie n’avait pas été interdit, le négligèrent sottement; et si l’homme et la femme, pendant que Jéhovah était occupé à tailler leurs costumes de peaux, avaient eu la bonne inspiration de sauter sur un de ces fruits merveilleux et de l’avaler vivement, c’est le vieux juge rageur qui aurait fait un nez!… V’lan! sa sentence devenait tout à coup inexécutable.
N’est-ce pas, qu’elle est rigolotte, décidément, la Sainte Bible, dès qu’on la lit de près?… Non seulement il a la berlue, ce Dieu unique qui lâche une constatation d’existence de plusieurs dieux; mais encore, lui, prétendu tout-puissant, il avoue, comme un imbécile, son impuissance à appliquer son arrêt portant condamnation à mort. A quoi cela a tenu, voyez un peu! Avec de la présence d’esprit, Adam et Eve se rendaient immortels, malgré Dieu lui-même!!!
Et ce que le vieux Jéhovah dut se féliciter de s’être enfin remémoré ce coquin d’arbre de vie!… non, ce n’est rien de le dire… Bien sûr, il avait fait un nœud à son mouchoir. Sans ça!…
«23. Et l’Eternel Dieu fit sortir Adam du jardin d’Eden, afin qu’il labourât la terre dont il avait été pétri.
24. Ainsi il chassa l’homme; et alors il plaça un Chérub au-devant de l’entrée du jardin, avec une lame d’épée de feu, qui se tournait çà et là pour garder le chemin de l’arbre de vie.»
Pas d’erreur, n’est-ce pas?… C’est bien ce malencontreux arbre de vie qui préoccupait le plus maître Elohim. A aucun prix, il ne fallait qu’Adam et Ève pussent y retourner. Mais aussi quelle fichue idée papa Bon Dieu avait-il eue de créer cet arbre!… Voyons: avec sa connaissance de l’avenir, il savait d’une façon certaine que nos premiers parents pécheraient et qu’il les condamnerait à mort, eux et toute la race humaine; alors, cet arbre de vie ne pouvait être pour lui qu’un embarras; il était si simple de ne pas le planter!… Voilà un sacré Jéhovah qui ne ferait pas mal de se mettre au régime des douches; après ça, peut-être les établissements d’hydrothérapie brillent, au ciel, par leur absence, quoique le début de la Genèse nous ait appris l’existence d’eaux supérieures, situées au-dessus de l’étendue où se meuvent les astres… Et encore, cette idée d’immobiliser un Chérub avec épée flamboyante à la porte de l’Eden, c’est ça qui est d’un bête, oh! oui!… D’une parole, d’un seul effort de volonté, Dieu pouvait anéantir le fâcheux arbre de vie, désormais sans raison d’être; et le Tout Puissant n’y a pas songé!…
Enfin, va pour le Chérub, factionnaire sans guérite!… Ce Chérub est un planton précieux, si la découverte de l’Eden tente quelque nouveau Christophe Colomb.
Allons, on demande un explorateur de bonne volonté. Parmi mes lecteurs, quelqu’un veut-il s’inscrire?… Puisque papa Bon Dieu a pris la peine de faire garder la porte de l’Eden, puisqu’il a tant fait que de prendre des mesures défensives pour empêcher à jamais l’humanité d’entrer dans le chemin qui mène à l’arbre de vie, c’est que le paradis terrestre et le merveilleux arbre existent encore quelque part. Si, en explorant la région où sont les sources du Tigre et de l’Euphrate, nous apercevons sur une route, en avant d’un portail, un Chérub agitant une lame d’épée de feu, nous n’aurons aucun doute, nous pourrons dire: Nous y sommes et c’est ici!
Cent mille francs de récompense à qui trouvera le Chérub!