Читаем La nuit des longs couteaux полностью

Maintenant c’est l’aube du jeudi 28 juin 1934, le ciel blanchit à l’est de Berlin comme une plage immense recouverte par une mince marée, et les remparts sombres de l’obscurité reculent peu à peu. Dans les rues de la capitale, les premiers travailleurs font résonner leurs pas dans le silence. Devant le bâtiment de la chancellerie, c’est la relève de la garde. Un sous-officier et trois hommes casqués, marchant au pas de l’oie, comme des figurines sortant de l’une de ces horloges allemandes en bois sculpté, exécutent la première passation des consignes de la journée, et dans ce temps suspendu de l’aube, ce temps calme, immobile comme une mer apaisée, les deux groupes se saluent et les soldats prennent position de part et d’autre de la grande entrée.

Jeudi 28 juin 1934. À la Bendlerstrasse, dans la cour, un autre peloton de soldats répond aux premiers commandements de l’officier de service et les hommes se rangent autour du mât où chaque matin est hissé le drapeau de l’Allemagne. Dans chaque caserne, les mêmes gestes se répètent, les talons claquent, les bottes ferrées crissent sur les pavés des cours où, parfois depuis plus d’un siècle, des soldats de la Grande Prusse ont, avec la même discipline, aligné leurs corps sous le regard des jeunes officiers implacables.

Il est 7 h 30 maintenant. La ville est animée. Les cyclistes en file glissent le long des rues de banlieue : dans les cours des casernes, des compagnies sont rangées l’arme au pied, et voici qu’arrivent les chefs de corps. Ils saluent les hommes figés dans le garde-à-vous et le drapeau s’élève enfin lentement et s’arrête au milieu du mât ; il pend le long de la hampe, à peine soulevé par une brise fraiche. Partout, aux mâts des édifices publics, à Cologne ou à Dresde, au mât de la chancellerie du Reich ou à celui du siège de la Gestapo, le drapeau est en berne. Il y a 15 ans en effet, le 28 juin 1919, l’Allemagne était contrainte de signer le traité de Versailles : d’accepter le diktat des vainqueurs. Depuis, Erzberger, le signataire du traité, est mort assassiné par les jeunes demi-solde, par ces officiers humiliés qui rêvent à la revanche ; depuis la Reichswehr s’est reconstituée, indestructible comme une force vitale qu’on peut réduire, mais qu’on ne peut écraser, depuis Hitler est parvenu au pouvoir et Versailles est devenu la grande honte, l’odieuse trahison. Et, ce matin du 28 juin 1934, 15 ans plus tard, le deuil officiel, proclamé dans le ciel clair par ces drapeaux en berne dit bien que le IIIeme Reich n’oublie pas, ne veut pas oublier l’affront et la défaite. « Il y a vingt-cinq ans, dit un texte qui est lu dans les casernes, la glorieuse armée allemande, vos camarades, étaient trahis, poignardés dans le dos, cela jamais plus ne se reproduira. »

À l’aérodrome de Tempelhof, les drapeaux aussi sont en berne. Des S.S. en tenue de parade, le blanc des baudriers et des gants tranchant sur l’uniforme noir forment une allée jusqu’à l’avion. Le ciel s’est déjà couvert et les premières gouttes tombent quand, un peu avant 9 heures, arrivent Goering et Hitler. L’avion porte en lettres noires le nom du Generalfeldmarschall von Hindenburg. L’équipage est rangé près de la petite échelle de fer. Hermann Goering et Adolf Hitler paraissent joyeux. Goering en grand uniforme de général, une cape jetée sur les épaules, parle avec animation ; Hitler est en manteau de cuir, sa chemise blanche fait ressortir son teint pâle, il tient sa casquette à la main. Le Führer salue l’équipage ; Goering plaisante avec le pilote, puis les deux hommes disparaissent dans l’appareil. Il est 9 heures. L’immense et lourd drapeau rouge à croix gammée claque maintenant dans le vent et la pluie s’est mise à tomber régulière.

Elle tombe à flots quand l’avion se pose sur l’aérodrome de Essen-Mülhleim. L’arrivée du Führer a été tenue secrète jusqu’à la dernière minute. Depuis le matin pourtant des S.A. sont là, sous la pluie, postés tous les dix mètres le long de la route qui conduit à Essen et que les voitures officielles suivent maintenant. Dans la ville, les guirlandes, les drapeaux, la foule dense sur les trottoirs annoncent un jour de fête : hier soir, c’était le défilé aux torches, aujourd’hui, c’est le mariage du Gauleiter Terboven. Devant l’hôtel Kaiserhof, la foule est nombreuse, elle stationne malgré la pluie, acclame Goering et Hitler et les attendra près d’une heure avant de les revoir rapidement, suivis de l’aide de camp Brückner, du docteur Dietrich, de l’Oberführer Schaub, au moment où, quittant l’hôtel, ils gagnent la mairie d’Essen.

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