Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

– Oubliez que vous avez dit l’un, moi je n’oublie pas que vous avez dit l’autre.

– Vous êtes un misérable, monsieur de Rohan, vous êtes un menteur!

– Moi!

– Vous êtes un lâche, vous calomniez une femme.

– Moi!

– Vous êtes un traître; vous insultez la reine.

– Et vous, vous êtes une femme sans cœur, une reine sans foi.

– Malheureux!

– Vous m’avez amené par degrés à prendre pour vous un fol amour. Vous m’avez laissé m’abreuver d’espérances.

– Des espérances! Mon Dieu! suis-je une folle? Est-il un scélérat?

– Est-ce moi qui aurais jamais osé vous demander les audiences nocturnes que vous m’accordâtes?

La reine poussa un hurlement de rage auquel répondit un long soupir dans le boudoir.

– Est-ce moi, poursuivit monsieur de Rohan, qui aurais osé venir seul dans le parc de Versailles, si vous ne m’eussiez envoyé madame de La Motte?

– Mon Dieu!

– Est-ce moi qui aurais osé voler la clef qui ouvre cette porte de la louveterie?

– Mon Dieu!

– Est-ce moi qui aurais osé vous demander d’apporter la rose que voici? Rose adorée! rose maudite! séchée, brûlée sous mes baisers!…

– Mon Dieu!

– Est-ce moi qui vous ai forcée de descendre le lendemain et de me donner vos deux mains, dont le parfum dévore incessamment mon cerveau et me rend fou. Vous avez raison de me le reprocher.

– Oh! assez! assez!

– Est-ce moi, enfin, qui, dans mon plus furieux orgueil, aurais jamais osé rêver cette troisième nuit au ciel blanc, aux doux silences, aux perfides amours.

– Monsieur! monsieur! cria la reine en reculant devant le cardinal, vous blasphémez!

– Mon Dieu! répliqua le cardinal en levant les yeux au ciel, tu sais si pour continuer à être aimé de cette femme trompeuse, j’eusse donné mes biens, ma liberté, ma vie!

– Monsieur de Rohan, si vous voulez conserver tout cela, vous allez dire ici même que vous cherchez à me perdre; que vous avez inventé toutes ces horreurs; que vous n’êtes pas venu à Versailles la nuit…

– J’y suis venu, répliqua noblement le cardinal.

– Vous êtes mort si vous soutenez ce langage.

– Rohan ne ment pas. J’y suis venu.

– Monsieur de Rohan, monsieur de Rohan, au nom du ciel, dites que vous ne m’avez pas vue dans le parc…

– Je mourrai s’il le faut, comme vous m’en menaciez tout à l’heure, mais je n’ai vu que vous dans le parc de Versailles, où me conduisait madame de La Motte.

– Encore une fois! s’écria la reine livide et tremblante, rétractez-vous?

– Non!

– Une seconde fois, dites que vous avez tramé contre moi cette infamie?

– Non!

– Une dernière fois, monsieur de Rohan, avouez-vous qu’on peut vous avoir trompé vous-même, que tout cela fut une calomnie, un rêve, l’impossible, je ne sais quoi; mais avouez que je suis innocente, que je puis l’être?

– Non!

La reine se redressa terrible et solennelle.

– Vous allez donc avoir affaire, dit-elle, à la justice du roi, puisque vous récusez la justice de Dieu.

Le cardinal s’inclina sans rien dire.

La reine sonna si violemment que plusieurs de ses femmes entrèrent à la fois.

– Qu’on prévienne Sa Majesté, dit-elle en essuyant ses lèvres, que je la prie de me faire l’honneur de passer chez moi.

Un officier partit pour exécuter cet ordre. Le cardinal, décidé à tout, demeura intrépidement dans un coin de la chambre.

Marie-Antoinette alla dix fois vers la porte du boudoir sans y entrer, comme si chaque fois, ayant perdu la raison, elle la retrouvait en face de cette porte.

Dix minutes ne s’étaient pas écoulées dans ce terrible jeu de scène, que le roi parut au seuil, la main dans son jabot de dentelles.

On voyait toujours, au plus profond du groupe, la mine effarée de Bœhmer et de Bossange qui flairaient l’orage.

<p>Chapitre 31</p><p>L’arrestation</p>

À peine le roi parut-il au seuil du cabinet que la reine l’interpella avec une volubilité extraordinaire.

– Sire, dit-elle, voici monsieur le cardinal de Rohan qui dit des choses bien incroyables; veuillez donc le prier de vous les répéter.

À ces paroles inattendues, à cette apostrophe soudaine, le cardinal pâlit. En effet, la position était si étrange, que le prélat cessait de comprendre. Pouvait-il répéter à son roi, le prétendu amant, pouvait-il déclarer au mari, le sujet respectueux, tout ce qu’il croyait avoir de droits sur la reine et sur la femme?

Mais le roi se retournant vers le cardinal, absorbé dans ses réflexions:

– À propos d’un certain collier, n’est-ce pas, monsieur, dit-il, vous avez des choses incroyables à me dire, et moi des choses incroyables à entendre? Parlez donc, j’écoute.

Monsieur de Rohan prit sur-le-champ son parti: des deux difficultés il choisirait la moindre; des deux attaques, il subirait la plus honorable pour le roi et la reine; et si, imprudemment, on le jetait dans le second péril, eh bien! il en sortirait comme un brave homme et comme un chevalier.

– À propos du collier, oui, sire, murmura-t-il.

– Mais, monsieur, dit le roi, vous avez donc acheté le collier?

– Sire…

– Oui ou non?

Le cardinal regarda la reine et ne répondit pas.

– Oui ou non? répéta-t-elle. La vérité, monsieur, la vérité; on ne vous demande pas autre chose.

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