Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

Quand le dernier cierge eut été remplacé et les morceaux usagés jetés dans un sac de cuir, la femme inconnue prit une canne à pommeau d'or qu'elle avait placée contre l'un des chandeliers et, tournant résolument le dos aux images brillantes après un rapide signe de croix à l'envers, marcha vers le lit en maîtrisant habilement une boiterie accentuée. Elle s'arrêta à quelques pas, s'appuya des deux mains sur sa canne et considéra Marianne avec gravité.

— Quelle langue préférez-vous parler ? fit-elle dans un italien roucoulant mais irréprochable.

— Celle-ci me convient parfaitement, répondit la jeune femme dans son meilleur toscan, à moins que vous ne préfériez le français, l'anglais, l'allemand ou l'espagnol ?...

Si Marianne avait cru impressionner son interlocutrice par l'étalage de ses connaissances, elle fut rapidement obligée d'en rabattre, car l'inconnue se mit à ricaner :

— Pas mal ! apprécia-t-elle, en français cette fois. Je parle tout cela, plus six ou sept autres langues, dont le russe, le moldo-valaque, le serbo-croate, le chinois et l'ouralo-altaïque.

— Mes félicitations ! riposta Marianne qui, pour rien au monde, n'eût voulu montrer qu'elle était impressionnée, mais, ceci établi, me jugerez-vous très ridicule, Madame si je vous demande de me dire qui vous êtes et où je suis ?

La vieille dame s'approcha assez pour que Marianne remarquât qu'elle sentait l'encens et l'ambre et eut, de nouveau, son ricanement sarcastique.

— Vous êtes chez moi, fit-elle. Dans ma maison du Phanar[7] et je suis la princesse Morousi, veuve de l'ancien hospodar[8] de Valachie. Très heureuse, en outre, de vous souhaiter la bienvenue !

— Merci beaucoup. C'est tout à fait aimable à vous de me dire que je suis bien venue, Princesse, mais, justement, je voudrais bien savoir comment je suis venue ! Hier soir, en compagnie d'une amie de Validé, une noble dame turque, je m'étais rendue...

— Je sais ! coupa la princesse. Mais je sais aussi qu'il est des endroits où une femme n'a pas le droit de se rendre sans la permission de son époux. En conséquence, vous êtes venue ici parce qu'il vous y a amenée.

— Mon époux ? Madame, il doit y avoir erreur. Mon époux est mort et je suis veuve !

La vieille princesse poussa un soupir plein de commisération et frappant le sol de sa canne pour mieux affirmer ses paroles :

— Je crois que c'est vous, ma chère, qui êtes dans l'erreur. A moins que vous ne soyez pas la princesse Sant'Anna, l'épouse du prince Corrado ?...

— C'est bien moi. Cependant...

— Alors, nous sommes bien d'accord et je répète : Corrado Sant'Anna vous a lui-même amenée... ou plutôt apportée dans cette maison hier soir !

— Mais ce n'est pas possible ! s'écria Marianne prête à pleurer. Ou alors...

Une effarante idée venait de lui traverser l'esprit, mais l'invraisemblable et le bizarre ayant été son lot presque quotidien depuis l'incendie de Selton Hall, Marianne n'y vit rien de tellement surprenant. Si vraiment elle était arrivée dans ce lieu étrange en compagnie de son défunt mari, c'est qu'elle était elle-même trépassée et cette chambre inhabituelle, cette femme parlant tous les langages de la terre se trouvaient dans l'au-delà... Rébecca, la Juive, l'avait simplement empoisonnée et elle s'était endormie sur la terre pour ne plus se réveiller, sinon dans cette espèce de purgatoire, somme toute plutôt confortable, veillée par un ange aussi peu conventionnel que possible. Mais qui pouvait se vanter de savoir, à coup sûr, comment les choses se passaient une fois franchies les portes de la mort ?

Elle s'attendait presque, dans son esprit troublé, à voir la porte s'ouvrir sur un patriarche ou sur n'importe quel personnage disparu depuis longtemps, peut-être même son propre père ou sa mère, quand son interlocutrice, se dirigeant vers les icônes, prit un cierge, l'apporta jusqu'à Marianne et le lui tendit :

— Touchez la flamme, ordonna-t-elle, vous constaterez qu'elle brûle et qu'en conséquence vous êtes aussi vivante que moi-même ! Et, à moins que je ne me trompe, vous n'êtes pas davantage malade. Je suppose que vous avez bien dormi ?

— En effet ! reconnut Marianne après avoir tendu, sans hésitation, vers la flamme un doigt aussitôt retiré. Je me sens même mieux que depuis bien longtemps. Cependant, je n'arrive pas à comprendre ce que vous me dites : mon époux vivant... venant dans cette maison ? Cela veut dire que vous le connaissez et que... vous l'avez vu ?...

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