Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

— Est-ce aussi l'Empereur qui vous a appris le voyage de Jason Beaufort à Venise ? fit-elle enfin après une courte hésitation.

— Non. Je me trouvais alors dans l'impossibilité absolue d'apprendre la moindre chose. J'ai su le piège où l'on vous avait fait tomber... et ce qui a suivi, par Matteo lui-même. L'ambition avait fini, je crois bien, par le rendre fou. Jetais enchaîné, réduit à l'impuissance, et il a pris un vif plaisir à me détailler tout cela. A la réflexion, j'ai fini par penser que c'était pour pouvoir jouir de ce plaisir-là qu'il m'avait laissé la vie.

— Alors, comment en êtes-vous venu à embarquer sur la Sorcière ?

Il eut encore son bizarre sourire, un peu timide et sans gaieté.

— Cette fois, c'est le hasard qui a tout fait. Quand j'ai pu me libérer, je n'ai eu d'abord qu'une idée : faire justice et vous délivrer sans que vous puissiez me voir. Damiani m'avait dit que vous me croyiez mort et je ne voyais alors aucune raison de vous détromper.

— Il vous avait dit, cependant, qu'il voulait obtenir de moi l'héritier Sant'Anna dont il avait besoin ?

— En effet... mais je l'avais vu malade, drogué, presque insensé et je ne croyais pas qu'il pût réussir. J'ai donc frappé et puis je me suis enfui pour ne pas avoir à rendre, à la police impériale, des comptes difficiles. Je voulais gagner Lucques, le seul endroit où je puisse me faire reconnaître sans danger. Dans la chambre de Matteo, j'ai trouvé un peu d'or. Cela m'a permis d'atteindre Chiogga où un batelier m'a conduit. Et c'est là que le hasard dont je vous parlais a joué, quand j'ai vu le brick américain... et sa figure de proue. Il y avait longtemps, déjà, que je savais qui en était le skipper, mais votre effigie m'a appris que je ne me trompais pas et j'ai voulu savoir si ce navire venait pour vous. La suite, vous la connaissez, je pense... Et je voudrais, pour cela, obtenir votre pardon.

— Mon pardon ? Qu'ai-je à vous pardonner ?

— De n'avoir pas su vaincre l'impulsion qui m'a conduit sur ce navire. Je m'étais cependant juré de n'être jamais une entrave à votre vie, mais, ce jour-là, je n'ai pas pu résister : il fallait que je voie ce Beaufort, que je le connaisse. Cela a été plus fort que moi...

Pour la première fois depuis qu'il était apparu, Marianne sourit. La violente poussée d'indignation de tout à l'heure tremblait encore en elle, mais elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver pour cet homme étrange et malheureux une sympathie spontanée.

— Ne le regrettez pas. Sans vous, je ne sais ce que nous serions devenus au cours de ce voyage infernal... et mon vieil ami Jolival serait, à l'heure actuelle, esclave ou pis encore ! Quant au capitaine Beaufort... il n'a pas dépendu de vous qu'il pût éviter un sort... certainement tragique !

Sa voix se fêla et, comprenant qu'elle allait se laisser emporter par l'émotion, elle s'arrêta. Le seul nom de Jason la bouleversait et, cependant, elle avait conscience qu'il était déplacé ici et que, malgré les modalités inhabituelles de leur accord, il ne pouvait qu'être désagréable au prince Sant'Anna d'évoquer l'amant de sa femme...

D'ailleurs, il se levait avec quelque brusquerie, lui tournait le dos, faisait quelques pas dans la pièce. Comme naguère, sur le pont de la Sorcière, Marianne fut frappée par la souplesse nonchalante de son allure et l'impression de force contenue qu'elle lui donnait, mais elle découvrait que, même à visage nu, même après avoir rejeté le masque de cuir dont la blancheur s'expliquait d'elle-même, cet homme demeurait une énigme difficile à déchiffrer.

Elle était trop femme pour ne pas se demander quel genre de sentiment elle pouvait bien lui inspirer. L'effarante déclaration de tout à l'heure, ce désir nettement exprimé d'obtenir d'elle l'enfant engendré dans des conditions si abominables avait quelque chose d'insultant. Cela donnait à penser que le prince faisait bon marché de ses sentiments et qu'à ses yeux elle n'était, après tout, qu'un « ventre » pour reprendre l'expression chère à Napoléon !

Pourtant, alors qu'il pouvait regagner tranquillement son domaine-toscan, après le meurtre de Damiani, il avait choisi délibérément une dangereuse aventure afin de suivre une épouse dont, à tout prendre, il n'avait pas tellement à se louer. Qu'avait-il dit, tout à l'heure ? « Je n'ai pas pu m'en empêcher... Cela a été plus fort que moi... » Peut-être était-ce surtout Jason qui l'intéressait ? Après tout, la curiosité ne constituant pas un monopole féminin, il était peut-être normal qu'il souhaitât rencontrer l'homme qu'aimait sa femme. Mais c'était prendre un bien gros risque pour une bien mince satisfaction car, en s'embarquant sur la Sorcière, Corrado Sant'Anna se coupait de toutes ses bases habituelles. Tout ce qu'il pouvait trouver au bout du voyage primitivement décidé c'était, au delà de l'océan, l'immense Amérique inconnue... et l'esclavage sans rémission auquel le condamnait presque certainement sa couleur de peau.

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