Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

— Sans en manquer une parole ! Et ne me demandez pas par quel miracle cela a pu se produire : je vous répondrai tout uniment que j'ai écouté. Voyez-vous, je suis comme votre cousine Adélaïde : je n'ai jamais considéré le fait d'écouter aux portes comme une tare infamante, mais bien comme une sorte d'art mineur, d'abord parce que c'est moins facile qu'on ne pense et ensuite parce que cela permet d'éviter bien des sottises, outre le fait que cela économise de longues explications, souvent difficiles, toujours oiseuses. Ainsi vous n'aurez pas à me raconter ce qui s'est passé entre vous et le prince Sant'Anna, je le sais...

— Ainsi, vous savez vous aussi qui il est ?

— Je l'ai même su avant vous, puisque c'est lui-même qui s'est présenté à l'ambassade. Je dois ajouter qu'il l'a fait sous le nom de Turhan Bey, mais, en échange de ma parole d'honneur, il a bien voulu lever pour moi son... masque blanc !

— Qu'avez-vous pensé en découvrant la vérité ? J'imagine que vous avez été, au moins, surpris d'apprendre que l'esclave Kaleb cachait le prince Sant'Anna ?

Le vicomte de Jolival tortilla la mince moustache noire et raide qui, jointe à ses grandes oreilles, lui conférait une ressemblance assez étonnante avec une souris, hocha la tête et soupira :

— Eh bien, par tellement ! Je crois même que je n'ai pas été surpris du tout. Il y avait, autour de ce Kaleb, trop de détails anormaux, trop d'étrangetés pour que ce personnage d'esclave en fuite ne cachât pas une personnalité beaucoup plus distinguée que nous ne le pensions. Je crois, d'ailleurs, vous avoir fait part de mes soupçons à son sujet. Evidemment, je n'allais pas jusqu'à imaginer qu’il ne pût faire qu'un avec le mystérieux époux que l'on vous avait donné, mais cette identité expliquait bien des choses. Tellement même qu'en me trouvant en face de lui j'ai surtout éprouvé le sentiment de satisfaction d'un homme qui voit se résoudre une énigme irritante. En revanche, ajouta-t-il avec un demi-sourire, j'aimerais bien connaître vos impressions à vous. Qu'avez-vous ressenti, Marianne, en face de ce sombre époux.

— Honnêtement, je n'en sais rien, Arcadius. De la surprise, bien sûr, mais au fond une surprise moins désagréable que je ne le craignais. Et même, je vous avoue que je n'ai pas tellement compris ces précautions, ce mystère dont il s'enveloppe...

— Je sais ! Vous le lui avez dit. Vous ne comprenez pas parce que vous êtes femme... et parce que cet homme est, malgré la couleur de sa peau, ou peut-être à cause d'elle, d'une exceptionnelle beauté. Le sang noir a renforcé, je dirais presque revirilisé, une race, sinon affaiblie, tout au moins parvenue à cet extrême degré de raffinement qui annonce la décadence. Mais croyez-moi si je vous dis qu'il n'y a pas, au monde, un seul gentilhomme et même un seul homme tout court qui ne le comprenne, ou qui ne comprenne la réaction dramatique de son père en face d'un bébé à la peau noire ! Posez, si vous en avez un jour l'occasion, la question à notre ami Beaufort...

— Jason est d'un pays où l'on réduit les Noirs à l'esclavage, où ils sont traités comme des bêtes de somme...

— Pas partout ! Ne généralisez pas. D'autant plus que les Beaufort n'ont jamais fait partie, autant que je puisse le savoir, de la catégorie des maîtres-bourreaux. J'admets cependant que son éducation puisse influencer sa réponse. Mais, adressez-vous à n'importe quel passant... ou même à moi...

— Vous, mon ami ?

— Mais oui, moi ! J'ai toujours détesté mon épouse légitime, mais s'il m'avait pris fantaisie de lui faire un enfant et qu'elle m'eût servi un moutard couleur de suie, d'autant qu'à son arrivée le prince devait être plus noir encore qu'il ne l'est actuellement, je crois bien, foi de Jolival, que j'aurais moi aussi étranglé Septimanie... et soigneusement caché un fruit aussi exotique.

— On peut avoir la peau sombre et se faire respecter. Othello était un Maure et Venise le portait au pinacle.

Cette fois Jolival se mit à rire, fourra deux doigts dans la poche de son gilet damassé, y pêcha une pincée de tabac et l'approcha de ses narines avec volupté.

— L'ennui avec vous, Marianne, c'est qu'en votre enfance vous avez trop lu Shakespeare... et trop de romans ! Othello, en admettant qu'il soit un personnage réel, était une espèce de génie de la guerre et les grands hommes peuvent se permettre bien des extravagances. Mais croyez-vous que si Napoléon était né avec la peau de bronze de votre bel époux, il serait actuellement sur le trône de France ? Non, n'est-il pas vrai ? Et, pour en revenir au prince, je crois que sa claustration volontaire, cette vie séquestrée qu'il s'imposait sont autant de preuves d'amour envers sa mère. C'est pour elle, pour sa réputation qu'il a accepté ce calvaire et qu'il s'est condamné à ne jamais aimer... J'ai le plus grand respect pour cet homme, Marianne, et aussi pour ce désir poignant de continuer sa lignée en sacrifiant ses plus légitimes aspirations et jusqu'aux besoins normaux de son cœur et de sa nature.

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