Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

Il avait trop contemplé le portrait du marquis d'Asselnat pour n'avoir pas saisi, aussitôt, la ressemblance frappante, même chez un enfant qui n'avait pas deux heures d'existence. Par une véritable faveur du ciel, le bébé n'avait rien, très certainement, qui rappelât son véritable père. L'empreinte maternelle était trop grande pour laisser place à la moindre trace étrangère et Jolival pensait qu'il était bon que ce petit fût un Asselnat beaucoup plus qu'un Sant'Anna. Il pensait aussi que cette ressemblance ne chagrinerait pas beaucoup le prince Corrado.

— C'est un enfant superbe ! s'exclama Jason avec un sourire tellement chaleureux qu'il entrouvrit pour lui le cœur rétif de la gouvernante. Le plus beau, sur ma foi, que j'aie jamais vu ! Qu'a dit sa mère ?

— Elle n'a pas pu ne pas le trouver beau, n'est-ce pas ? renchérit Arcadius sur un ton qui suppliait plus qu'il n'interrogeait.

Dona Lavinia serra l'enfant plus étroitement contre sa poitrine et regarda l'Américain avec des yeux désolés où revenaient les larmes.

— Hélas, Monsieur, elle n'a pas voulu seulement le regarder, ce pauvre petit ange. Elle m'a ordonné de l'emporter avec autant d'horreur que si c'eût été un monstre...

Il y eut un silence. Les deux hommes se regardèrent mais ce fut Jolival qui, sous le regard dur du corsaire, détourna la tête.

— Je craignais qu'il en fût ainsi, fit-il d'une voix enrouée. Depuis qu'elle se sait enceinte, Marianne a toujours farouchement refusé sa maternité.

Pour sa part, Jason ne fit aucun commentaire. Les sourcils froncés, un pli au coin de la bouche, il réfléchissait. Mais comme dona Lavinia, recouvrant le bébé, s'apprêtait à poursuivre son chemin, il l'arrêta.

— Où allez-vous avec cet enfant ?

Elle hésita, s'efforçant de dissimuler sa figure envahie d'une profonde rougeur.

— Je pensais... qu'il était normal de le présenter au maître de ce palais !...

L'attitude et la voix de la gouvernante manquaient-elles à ce point de naturel ? Jolival eut l'impression tout à coup que quelque chose se passait, sans qu'il pût définir quoi. Pourtant, ni l'un ni l'autre des acteurs de cette courte scène n'avait bougé mais, sous le regard du corsaire, dona Lavinia semblait clouée au sol et, comme un animal qui flaire le danger, elle respirait à petits coups rapides trahissant une oppression.

Cependant, l'Américain, reculant d'un pas pour livrer le passage, inclinait courtoisement sa haute taille.

— Vous avez raison, dona Lavinia ! dit-il gravement. C'est tout à fait normal... Vous avez là une pensée délicate et qui vous fait honneur autant que cet enfant.


Quand Marianne sortit du bienfaisant sommeil qui l'avait engloutie corps et âme, les rideaux de sa chambre étaient fermés, les lampes allumées dispensaient une douce lumière dorée, car la nuit était tombée. Le poêle de faïence ronronnait comme un gros chat familier et dona Lavinia, portant dans ses mains un plateau où fumait quelque chose, s'approchait du lit. C'était peut-être un bruit vague qui avait éveillé Marianne, ou encore la faim appelée par l'odeur appétissante du souper car elle n'avait pas vraiment envie de quitter la douceur du repos. Le désir de dormir habitait encore chacune des fibres de son corps... Néanmoins, elle ouvrit les yeux...

Avec le plaisir animal de quelqu'un qui a longtemps subi une pénible contrainte physique et qui retrouve tout à coup la pleine liberté de ses mouvements, elle s'étira longuement comme un chat heureux. Dieu que c'était bon de se retrouver soi-même après tous ces mois où son corps n'avait été, pour elle, qu'un poids étranger et de plus en plus encombrant ! Même le souvenir des heures cruelles qu'elle venait d'endurer dans ce lit s'estompait déjà, emporté par l'irrésistible marée du temps vers les brumes épaisses de l'oubli.

Rejetant sur son épaule une grosse tresse de cheveux qui chatouillait sa joue, elle sourit à la vieille gouvernante.

— J'ai faim, dona Lavinia. Quelle heure est-il donc ?

— Bientôt 9 heures, Madame. Votre Seigneurie a dormi près de douze heures ! Est-ce qu'elle se sent mieux ?

— Je me sens presque bien. Encore quelques heures de bon repos et je serai complètement rétablie.

Tout en parlant, Lavinia s'activait, aidait la jeune femme à s'installer dans le nid, rapidement réédifié, de ses oreillers, passait sur son visage un linge humecté d'une fraîche lotion à la verveine et déposait finalement le plateau de laque noire sur ses genoux.

— Que m'apportez-vous ? demanda Marianne qui retrouvait tout à coup le plaisir de la nourriture.

— Un potage aux légumes, du poulet rôti, une compote au miel et un verre de chianti... Le médecin prétend qu'un peu de vin ne peut que vous faire du bien.

Le tout disparut avec une belle rapidité. Ce modeste repas semblait à Marianne la meilleure chose du monde. Elle savourait avec d'autant plus d'intensité chacun des petits plaisirs physiques de sa résurrection qu'en s'y intéressant elle repoussait à plus tard des préoccupations morales qui ne reviendraient que trop tôt.

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