Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

Une peine amère envahit le cœur de Marianne. Ainsi Gracchus, lui aussi, voulait la quitter ? Depuis qu'elle avait pris racine dans la terre de France, le gamin de la rue Montorgueil, le petit-fils de la blanchisseuse de la route de la Révolte, était devenu pour elle beaucoup plus qu'un serviteur : c'était un ami fidèle, solide, sur lequel on pouvait compter. Il lui vouait un dévouement à toute épreuve. Mais Jason avait très vite attiré à lui une partie de ce cœur. Gracchus l'aimait presque autant qu'il aimait Marianne et il l'admirait profondément. Le voyage sur la Sorcière avait achevé d'ouvrir devant le jeune cocher la voie de ses rêves : la mer avec ses grâces et ses ruses, sa splendeur et ses périls. C'était une véritable vocation et Marianne, se souvenant de l'enthousiasme du garçon durant le combat contre les frégates anglaises sous Corfou, pensa qu'elle n'avait pas le droit de le contrarier.

— Prends-le ! décida-t-elle soudain. Je te le donne car je sais qu'il sera beaucoup plus heureux avec toi. Mais, Jason, pourquoi partir si tôt ? Pourquoi ne pas attendre un peu... quelques jours simplement afin que je puisse...

— Non, Marianne ! C'est impossible. Je ne peux pas attendre ! De toute façon, il me faudra partir clandestinement, prendre des risques, livrer bataille, peut-être, car les Anglais ne me laisseront pas quitter le port sans me donner la chasse. Ces risques-là, je ne veux pas te les faire courir. Quand tu seras remise, tu pourras t'embarquer tranquillement sur un bateau grec avec Jolival, revenir sans danger vers l'Europe. Là, tu possèdes assez d'amis parmi les gens de mer pour trouver un navire qui acceptera, malgré le Blocus et les croisières anglaises, de te faire franchir l'Atlantique.

— Je n'ai pas peur du danger. Aucun risque ne m'effraie si je le partage avec toi.

— Toi seule peut-être ! Mais, Marianne... as-tu oublié que tu n'es plus seule ? As-tu oublié l'enfant ? Veux-tu donc, à peine âgé de quelques heures, lui faire essuyer les dangers de la mer, le feu des canons, les risques d'un naufrage ? C'est la guerre, Marianne...

Elle retomba en arrière, échappant aux mains tendres qui la retenaient. Elle avait pâli tout à coup et, dans sa poitrine, quelque chose se serrait, lui faisait mal ! L'enfant ! Fallait-il qu'on le lui rappelât ? Et quel besoin avait Jason de se préoccuper de ce petit bâtard ? Imaginait-il donc qu'elle allait l'emporter avec elle dans cette autre vie qu'elle voulait claire, nette et propre ? Qu'elle élèverait le fils de Damiani avec ceux qu'elle espérait tant lui donner, à lui ? Pour gagner du temps, et parce qu'elle se sentait perdre pied, elle lança, farouche :

— Ce n'est pas la guerre ! Même dans ce pays du bout du monde, on sait qu'aucune déclaration d'hostilité n'est intervenue entre l'Angleterre et les Etats-Unis...

— Nous sommes d'accord. La guerre n'est pas déclarée, mais les incidents se multiplient et ce n'est plus qu'une question de semaines ! Sir Stratford Canning le sait bien qui n'aurait pas hésité à mettre l'embargo sur mon brick si le pavillon de Turhan Bey ne l'avait protégé. Préfères-tu que la déclaration me surprenne ici et que j'aille pourrir dans une geôle anglaise tandis que mes amis, mes frères, se battront ?

— Je veux que tu sois libre, heureux... mais je veux te garder.

C'était un cri de désespoir et, d'un élan, Marianne s'était jetée contre la poitrine de Jason, y enfouissait sa tête, serrant autour des solides épaules ses bras minces, si minces encore sous la peau presque transparente...

Désolé de ce chagrin qu'il lui fallait causer encore, il la serra contre lui, la berçant comme une enfant et caressant tendrement les frisons légers de sa nuque.

— Tu ne me garderas pas de cette manière, mon cœur. Je suis un homme, un marin et ma vie doit être conforme à ma nature. D'ailleurs... m'aimerais-tu vraiment si j'acceptais de demeurer caché dans tes jupes à l'heure du danger ? M'aimerais-tu lâche, déshonoré ?

— Je t'aimerais n'importe comment...

— Ce n'est pas vrai ! Tu te mens à toi-même, Marianne. Si je t'écoutais, ma douce, un jour viendrait où tu me reprocherais ma couardise. Tu me la jetterais au visage avec fureur, avec mépris... et tu aurais raison. Dieu m'est témoin que je donnerais tout au monde pour pouvoir demeurer à tes côtés. Mais je dois, maintenant, choisir l'Amérique.

— L'Amérique, fit-elle avec amertume ! Un pays sans limites... un peuple immense... A-t-il tellement besoin de toi, d'un seul parmi une telle foule d'enfants ?

— Elle a besoin de tous ! L'Amérique n'a conquis sa liberté que parce que tous ceux qui la voulaient se sont unis pour former un peuple ! Je suis de ce peuple libre... un grain dans le sable de la mer, mais ce grain, emporté par le vent de la désertion, se perdrait à jamais.

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