Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

La femme qui prit pied, un matin de juillet, sur les quais en bois d'Odessa, n'avait plus que de lointaines ressemblances avec celle qui, quatre mois plus tôt, s'était installée pour attendre interminablement dans une cage dorée suspendue au-dessus des eaux du Bosphore. Le repos forcé, l'excellente nourriture qu'Osman, l'intendant de Turhan Bey, avait dispensée à une invitée au sujet de laquelle il avait reçu les ordres les plus sévères, avaient fait merveille, joints aux bienfaits d'une promenade quotidienne dans les jardins d'Hümayunâbâd quand les forces s'étaient affirmées. La beauté du printemps turc, découverte ainsi au jour le jour en compagnie de Jolival, avait apporté son apaisement à l'âme écorchée de la jeune femme, cependant que la maternité donnait à sa grâce naturelle une touche de perfection toute nouvelle.

La silhouette de Marianne avait retrouvé sa minceur juvénile, mais sans rien garder de cet aspect chat écorché qui avait si fort inquiété Jolival et terrifié Jason Beaufort. C'était maintenant une femme, en pleine possession d'elle-même, armée jusqu'aux dents pour la seule guerre qui lui convînt : celle de l'amour. Et si la voyageuse regardait avec intérêt et curiosité la foule bigarrée qui encombrait le port, celle-ci ne cachait pas l'admiration que lui inspirait cette belle inconnue, si élégamment vêtue d'une robe de plumetis blanc garnie de volants et dont les immenses yeux couleur d'émeraude étincelaient sous l'ombre douce d'un grand cabriolet de paille italienne, doublé d'un bouillonné du même tissu.

Arcadius de Jolival suivait, habillé de toile blanche immaculée, pour mieux lutter contre la chaleur, mais toujours à la dernière mode et tiré à quatre épingles suivant son habitude. Un élégant couvre-chef de paille et une longue ombrelle verte glissée sous son bras complétaient son équipement qui rencontrait lui aussi un certain succès auprès des autochtones. Quelques portefaix suivaient avec les bagages des deux amis.

Tous deux offraient l'image sereine et apparemment décontractée de visiteurs qui découvrent une contrée inconnue et prennent plaisir à cette découverte, mais ce n'était qu'une façade et, au fond, ils étaient l'un comme l'autre assez inquiets sur ce qui les attendait dans le premier port russe de la mer Noire.

Odessa était une ville étrange, belle sans doute, mais improvisée et pleine d'échafaudages, trop neuve encore pour avoir acquis une âme, car il n'y avait pas vingt ans qu'en apposant sa signature au bas d'un ukase la tsarine Catherine II avait promu un village de pêcheurs tartares fraîchement arraché aux Turcs en un futur port russe. Le village, que le Turc avait pourvu d'une forteresse, s'appelait Khadjibey. Catherine, en souvenir d'une ancienne colonie grecque, nommée Odessos, qui s'y était jadis implantée, le rebaptisa Odessa.

La promotion du village n'était pas un caprice impérial. Situé dans une baie rocheuse ancrée entre les estuaires de deux grands fleuves, le Dniepr et le Dniestr, le futur port offrait une position stratégique exceptionnelle, en même temps qu'un débouché vers la Méditerranée pour les immenses terres à blé de l'Ukraine.

C'était le blé, d'ailleurs, qui semblait régner pacifiquement sur ce port de guerre. Tandis que Marianne et Jolival, précédés d'un gamin qui, dans l'espoir d'une gratification, s'était institué leur guide bénévole, se dirigeaient vers la seule auberge convenable de la ville, des dizaines de charrettes chargées de sacs rebondis convergeaient vers les entrepôts où ils s'entasseraient avant de s'engouffrer dans les cales des bateaux dont certains, Marianne en fit la remarque avec amertume, étaient anglais. Mais elle était ici désormais en territoire ennemi et ne l'ignorait pas.

Il y avait trois semaines déjà que la Grande Armée de Napoléon avait franchi le Niémen pour aller attaquer Alexandre sur son propre terrain.

Ses yeux fouillaient le port immense, où trois cents navires pouvaient trouver abri, dans l'espoir d'y reconnaître la silhouette familière de la Sorcière, mais la plupart des bateaux étaient occidentaux et la flotte russe n'avait rien de comparable avec les antiques navires ottomans. Il était difficile, dans cette forêt de mâts, de démêler ceux du brick.

La ville, coulant d'une haute falaise vers la mer dans les mailles d'une luxuriante végétation, avait l'air d'un trait d'union entre deux infinis bleus mais, à mi-chemin du port grouillant et de la blancheur de l'élégant quartier d'en haut, la vieille citadelle turque, renforcée et restaurée, mettait une note sombre à laquelle s'attachait tout à coup avec insistance le regard de la jeune femme. Etait-ce là que, depuis plusieurs mois, Jason se morfondait ?

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