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Inaccessible au sacré, j'adorais la magie: le cinéma, c'était une apparence suspecte que j'aimais perversement pour ce qui lui manquait encore. Ce ruissellement, c'était tout, ce n'était rien, c'était tout réduit à rien: j'assistais aux délires d'une muraille; on avait débarrassé les solides d'une massivité qui m'encombrait jusque dans mon corps et mon jeune idéalisme se réjouissait de cette contraction infinie; plus tard les translations et les rotations des triangles m'ont rappelé le glissement des figures sur l'écran, j'ai aimé le cinéma jusque dans la géométrie plane. Du noir et du blanc, je faisais des couleurs éminentes qui résumaient en elles toutes les autres et ne les révélaient qu'à l'initié; je m'enchantais de voir l'invisible. Par-dessus tout, j'aimais l'incurable mutisme de mes héros. Ou plutôt non: ils n'étaient pas muets puisqu'ils savaient se faire comprendre. Nous communiquions par la musique, c'était le bruit de leur vie intérieure. L'innocence persécutée faisait mieux que dire ou montrer sa douleur, elle m'en imprégnait par cette mélodie qui sortait d'elle; je lisais les conversations mais j'entendais l'espoir et l'amertume, je surprenais par l'oreille la douleur fière qui ne se déclare pas. J'étais compromis; ce n'était pas moi, cette jeune veuve qui pleurait sur l'écran et pourtant, nous n'avions, elle et moi, qu'une seule âme: la marche funèbre de Chopin; il n'en fallait pas plus pour que ses pleurs mouillassent mes yeux. Je me sentais prophète sans rien pouvoir prédire: avant même que le traître eût trahi, son forfait entrait en moi; quand tout semblait tranquille au château, des accords sinistres dénonçaient la présence de l'assassin. Comme ils étaient heureux, ces cow-boys, ces mousquetaires, ces policiers: leur avenir était là, dans cette musique prémonitoire, et gouvernait le présent. Un chant ininterrompu se confondait avec leurs vies, les entraînait vers la victoire ou vers la mort en s'avançant vers sa propre fin. Ils étaient attendus, eux: par la jeune fille en péril, par le général, par le traître embusqué dans la forêt, par le camarade ligoté près d'un tonneau de poudre et qui regardait tristement la flamme courir le long de la mèche. La course de cette flamme, la lutte désespérée de la vierge contre son ravisseur, la galopade du héros dans la steppe, l'entrecroisement de toutes ces images, de toutes ces vitesses et, par en dessous, le mouvement infernal de la «Course à l'Abîme», morceau d'orchestre tiré de la Damnation de Faust et adapté pour le piano, tout cela ne faisait qu'un: c'était la Destinée. Le héros mettait pied à terre, éteignait la mèche, le traître se jetait sur lui, un duel au couteau commençait: mais les hasards de ce duel participaient eux-mêmes à la rigueur du développement musical: c'était de faux hasards qui dissimulaient mal l'ordre universel. Quelle joie, quand le dernier coup de couteau coïncidait avec le dernier accord! J'étais comblé, j'avais trouvé le monde où je voulais vivre, je touchais à l'absolu. Quel malaise, aussi, quand les lampes se rallumaient: je m'étais déchiré d'amour pour ces personnages et ils avaient disparu, remportant leur monde; j'avais senti leur victoire dans mes os, pourtant c'était la leur et non la mienne: dans la rue, je me retrouvais surnuméraire.

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Порфирий — древнегреческий философ, представитель неоплатонизма. Ученик Плотина, издавший его сочинения, автор жизнеописания Плотина.Мы рады представить читателю самый значительный корпус сочинений Порфирия на русском языке. Выбор публикуемых здесь произведений обусловливался не в последнюю очередь мерой малодоступности их для русского читателя; поэтому в том не вошли, например, многократно издававшиеся: Жизнь Пифагора, Жизнь Плотина и О пещере нимф. Для самостоятельного издания мы оставили также логические трактаты Порфирия, требующие отдельного, весьма пространного комментария, неуместного в этом посвященном этико-теологическим и психологическим проблемам томе. В основу нашей книги положено французское издание Э. Лассэ (Париж, 1982).В Приложении даю две статьи больших немецких ученых (в переводе В. М. Линейкина), которые помогут читателю сориентироваться в круге освещаемых Порфирием вопросов.

Порфирий

Философия