L’annonce de ce rétablissement de l’impôt provoque à Paris une émeute soudaine : les artisans, les maîtres de métiers, mais aussi les marginaux de toutes sortes se ruent à l’Hôtel de Ville et s’emparent de 2 000 maillets de plomb entreposés là par le prévôt des marchands qui craignait quelque attaque anglaise ! Ils se répandent dans la ville, y cherchent les Juifs dont seize sont tués, les collecteurs d’impôts sont sommés de donner leurs registres bientôt brûlés. Les maillotins – appelés ainsi à cause des maillets de plomb – sont maîtres de la capitale à midi. Ils tendent des chaînes à travers les rues et ferment les portes de la ville. Charles VI reçoit une délégation de bourgeois inquiets qui exigent la suppression de l’impôt et l’amnistie pour ceux qui ont commis des crimes ; le roi refuse. La révolte explose : les portes des prisons sont brisées, les prisonniers libérés. Finalement, le roi accepte d’abolir l’impôt, et ne fait exécuter que douze meneurs…
En réalité, si les caisses du royaume sont vides en si peu de temps, c’est parce que les oncles de Charles VI y puisent à pleines mains pour leurs besoins personnels. Et s’ils veulent lever de nouveaux impôts, c’est aussi pour leurs intérêts privés :
Ces trois pompes à finances ont donc mis à sec le trésor lorsque les maillotins se révoltent.
À cette révolte des maillotins s’adjoint celle de villes importantes que les trois frères veulent assujettir à l’impôt : Compiègne, Saint-Quentin, etc. S’y ajoutent la Normandie, la Flandre. Le premier temps est celui du pardon relatif pour les maillotins et les autres mécontents. Mais le second temps est celui de la répression. Elle est féroce : à Rouen, on décapite les six meneurs, leurs têtes sont suspendues aux portes de la ville. Une amende ruineuse devra être versée au trésor du royaume.
La répression s’étend à la Flandre : le 27 novembre 1382, 40 000 Flamands sont vaincus à Roosebeke par une armée de 40 000 Français sous les ordres du connétable Olivier IV de Clisson, chef des armées. On compte 20 000 victimes dont Artevelde, le chef des Flamands, tombé un des premiers, et qui voulait faire alliance avec les Anglais, afin d’éviter l’écrasante imposition française. Son cadavre est pendu. Dans toutes les villes qui s’étaient révoltées, on pend, on décapite, on descend les cloches des beffrois. À Paris, la répression est terrible : la hache s’abat des dizaines de fois sur le billot pour exécuter des bourgeois trop hardis lors de la révolte maillotine. Un tel traitement de choc permet de rétablir l’imposition : taxes sur les transactions, sur le sel, les boissons… Et les trois frères peuvent s’emplir les poches et rêver de conquêtes de toutes sortes.
Le jeune roi Charles VI a atteint l’âge du mariage. Ses oncles vont lui offrir une jolie Bavaroise.
Charles V l’avait recommandé à ses frères en mourant : il faudra marier Charles VI, son fils, à une Allemande parce que le roi d’Angleterre est lui-même marié à une Allemande. Ainsi l’équilibre d’influences sera établi ! Les trois frères accomplissent la volonté de Charles V et cherchent en Bavière la jeune fille idéale qui pourra plaire au jeune roi – s’il ne la trouve pas à son goût, il peut la renvoyer dans ses foyers ! C’est donc un grand suspense qui plane dans le palais épiscopal d’Amiens, le vendredi 14 juillet 1385 au matin, car Charles VI, seize ans et demi, va rencontrer pour la première fois Isabeau de Bavière ; quinze ans, fille du duc Étienne de Bavière et de Tadea Visconti, une princesse milanaise. Isabeau a été vêtue et parée à la mode de la cour de France.