Une langue : le français. Un lieu de pouvoir : la cour. Une formule : « Car tel est notre plaisir. » François Ier
ne masque pas ses intentions : il veut unifier le royaume et centraliser le pouvoir. Le Conseil du roi qui, depuis les Capétiens, réunissait des princes de sang, des pairs de France, des ducs, des grands officiers, en nombre tel que les décisions pouvaient être prises après l’échange de multiples points de vue, se restreint de plus en plus. Louis XII l’avait allégé, François Ier le réduit à quelques confidents qui vont composer un Conseil étroit ou secret chargé d’approuver la volonté royale. Le pouvoir monarchique est si étendu et si efficace en France que les pays étrangers s’en étonnent.L’empereur Maximilien en vient à dire un jour : « L’empereur n’est que le roi des rois. Un roi catholique n’est que le roi des hommes. Mais le roi de France est le roi des bêtes, car, en quelque chose qu’il commande, il est obéi aussitôt, comme l’homme l’est des bêtes ! » Centralisation, pouvoir absolu, mais pour quel but ? Éviter la concurrence des seigneurs, toujours dangereux lorsqu’ils se retrouvent seuls, éloignés, à la tête de leurs régions ; percevoir mieux et plus efficacement les impôts qui vont emplir les caisses du royaume pour organiser la vie des dix-huit millions de Français – l’Angleterre et l’Écosse réunies n’en comptent que cinq millions –, et surtout financer la guerre incessante, les expéditions en Italie, les fastes de la Renaissance, les dépenses de la cour, les tonnes d’or aux grands électeurs de l’Empire…
Rome et ses dîmes, ses impôts, ses idées, ça suffit ! L’Espagne et ses désirs hégémoniques relayés par la religion, ça suffit ! Les Florentins et leurs banques, assez ! Un mouvement de protestation commence à s’étendre contre toute cette dépendance qui empêche les États d’être vraiment libres. Et ce mouvement religieux, idéologique, va s’appeler le protestantisme.
Nuit du 17 au 18 octobre 1534. Des silhouettes enveloppées de capes noires se faufilent dans les rues de Paris, de Blois, d’Orléans, collant, clouant partout des affichettes, qu’on appelle à l’époque des placards. Un audacieux anonyme – peut-être un proche ou un familier du roi – entre même dans le château d’Amboise où réside la cour et où dort François Ier
. Il colle sur la porte de la chambre royale l’une de ces affichettes. On dit même qu’il aurait poussé la porte et déposé une affichette dans la coupe où le roi mettait son mouchoir ! Au matin du 18, c’est la consternation : on prend conscience que ce qui n’était qu’une contestation dont les souverains pensaient s’accommoder en la tolérant aimablement, est devenu une lame de fond qui pourrait être suivie d’un raz de marée.Aux faits, aux faits, demandez-vous, piqué par la curiosité. Patience, on y arrive… Voici l’essentiel de ce qu’on peut lire sur les tracts. Tout d’abord le titre : « Articles véritables sur les grands horribles et insupportables abus de la messe papale », puis cet article : « Il ne faut pas croire à la présence corporelle du Christ dans le pain et le vin. Il ne peut se faire qu’un homme de vingt ou trente ans soit caché dans un morceau de paste. » Le reste est à l’avenant, invitant à détruire les « idolâtres papistes ». Au matin du 18 octobre, le roi est atterré.
Les affiches reprenaient les idées d’un certain Martin Luther. Ce moine allemand, scandalisé par le commerce des indulgences, et bien soutenu par les Princes allemands, élabore une doctrine appelée à un bel avenir. Quelques années plus tard, elle est reprise et renforcée par un jeune humaniste : Jean Calvin. Dès lors, le massacre des protestants va commencer…