Au matin du 10 août 1792, les sans-culottes attaquent les Tuileries. Les gardes du palais ouvrent le feu. Des dizaines de Parisiens tombent, leur troupe recule. Mais voici les volontaires marseillais et brestois : ils mettent en batterie les canons qu’ils roulent depuis le faubourg Saint-Antoine. Des coups de feux et des boulets sont échangés. Puis les Suisses et tous ceux qui gardent le château déposent les armes, le roi leur ayant envoyé l’ordre de cesser le feu. Ils sont alors tués sur place, détroussés, dénudés, et pour beaucoup décapités (petite parenthèse dans le récit : regardez, là-bas, légèrement en retrait, ce militaire de petite taille, anodin, qui observe la scène, et qui a failli tout à l’heure être traversé par une balle perdue ! Voulez-vous connaître son nom ? Il s’appelle Napoléon Buonaparte… Fermons la parenthèse). Alors, Robespierre, Marat, Danton demandent que le roi soit définitivement suspendu de ses fonctions. Ce qui est fait. La famille royale va être conduite à la prison du Temple. Clovis, Charlemagne, Hugues Capet, tous les Charles, tous les Henri, tous les François, et tous les Louis, c’est fini ! Ou presque…
Plus de roi, mais la guerre continue. Brunswick le Prussien est en Champagne, il avance lentement mais sûrement vers Paris. Il s’est emparé de Longwy, de Verdun. La Fayette a déserté – mais il a été arrêté derrière la frontière par les ennemis qui vont l’emprisonner durant cinq ans ! Les bruits du complot des aristocrates contre la France se renforcent. Marat, l’enragé, sort de ses gonds. Dans son journal,
« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace »
Danton, le 2 septembre 1792, termine son discours à l’Assemblée par cette phrase demeurée célèbre : « Pour vaincre les ennemis de la patrie, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. » Il invitait le peuple français à se mobiliser contre tous ceux qui pourraient menacer l’œuvre de la révolution en marche. Des rumeurs de complot circulaient partout en France. Les massacres venaient de commencer…
L’ordre de Marat va être suivi au pied de la lettre : des exécuteurs sont recrutés dans les faubourgs, les 31 août et 1er septembre 1792. Ils passent la nuit en libations diverses et dès l’aube, ivres, se ruent sur les prisons. Un tribunal sommaire est mis en place. À la prison de l’Abbaye, chaque prisonnier entend le juge Maillard lui dire : « À la Force ! » – il n’y aura qu’une dizaine d’épargnés. Les condamnés croient alors qu’ils vont être transférés à la prison de la Force. Ils sont dirigés vers la sortie et précipités sur une quinzaine de tueurs avinés qui les transpercent de leur sabre, de leur baïonnette, de leur couteau ou bien leur brisent le crâne avec des masses de fer ou des haches. Les massacres durent trois jours, les 2, 3 et 4 septembre. Ils font 1 400 victimes à Paris, beaucoup moins en province.
Marie-Thérèse de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe
Au matin du 3 septembre 1792, vers dix heures, la délicieuse et ravissante princesse de Lamballe est tirée de son cachot. Elle est malade, fiévreuse. Terrorisée par les bruits qu’elle entend, elle demande ce qui se passe : « Levez-vous, il faut aller à la prison de l’Abbaye ! », lui disent les deux gardes qui l’emmènent devant Hébert. « Dites que vous haïssez le roi et la reine » « Je ne le puis, cela n’est pas dans mon cœur ! » « Jurez-le ou vous êtes morte! » Elle détourne la tête. « Élargissez madame ! », dit alors Hébert. On prend la princesse par les aisselles, on la porte dehors, un sabre s’abat sur son cou. Aussitôt, elle est entièrement dévêtue. Son cadavre est exposé pendant deux heures contre une borne devant laquelle défilent, obscènes, des curieux. Vient ensuite un nommé Charlat qui la relève pour poser son cou sur la borne ; il la décapite avec un couteau de boucher, et met la tête au bout d’une pique. Vient aussi un nommé Grison qui lui ouvre la poitrine et en tire le cœur. Eux deux, suivis d’une foule haineuse, vont porter la tête au bout de la pique sous les fenêtres de la prison du Temple. En reconnaissant le visage de son amie, sa confidente, Marie-Antoinette s’évanouit.