Le projet de Robespierre est voté, par 707 voix sur 718. Le 11 décembre 1792, Louis XVI comparaît à la barre de la Convention pour la première fois. Les réponses qu’il fournit aux questions posées sont embarrassées. Il sait trop bien quelle sera l’issue de son procès. Le 25 décembre, il rédige son testament. Le lendemain, il comparaît pour la deuxième fois à la Convention : son procès s’ouvre enfin. Les Girondins vont tenter de sauver le roi, quitte à renier leurs discours enflammés contre le pouvoir monarchique, prononcés quelques mois auparavant. Mais le 4 janvier 1793, Bertrand Barère, le président de la Convention, invite clairement les députés à prendre leurs responsabilités, sans tenir compte de l’indulgence contenue dans les arguments des Girondins. Quelle peine doit être prononcée contre le roi Louis XVI ? L’Assemblée passe au vote le 18 janvier :
21 janvier 1793. Six heures du matin. Louis XVI entend la messe. À huit heures, Santerre – le riche brasseur – se présente à la prison du Temple avec les officiers municipaux. Sur la place Louis-XV où est dressée la guillotine – place de la Concorde –, les spectateurs ont commencé à s’attrouper depuis une heure du matin ! Paris est couvert de neige. À huit heures, Louis, vêtu d’une chemise, d’un gilet de molleton blanc, d’une culotte et de bas gris, s’assoit dans le carrosse de couleur sombre qu’entourent 1 500 soldats. Un déploiement de force étonnant maintient Paris dans une atmosphère étrange. Cet homme qui va être décapité est le roi ! Il a trente-neuf ans. Un complot a-t-il été préparé pour l’enlever ? Sans doute : les conjurés auraient prévu d’emprunter un petite rue coupant celle du trajet, forçant la garde et s’emparant du roi. Au dernier moment, ils auraient renoncé.
Pendant deux heures, le cortège roule dans les rues enneigées. À dix heures, le roi parvient au pied de l’échafaud. Il enlève son gilet, accepte après avoir esquissé un mouvement de refus, de se laisser lier les mains. Il accepte aussi qu’on lui coupe les cheveux. Il gravit l’escalier raide qui le conduit sur la plateforme, lentement, avec assurance. Tout le monde note son air déterminé, courageux, sa fermeté et son calme.
Les tambours de l’escorte ne cessent de battre. Ils s’arrêtent un moment lorsque Louis fonce vers ceux qui l’attendent depuis le cœur de la nuit. On l’entend alors dire avec force : « Je meurs innocent des crimes dont on m’accuse ! Je pardonne aux auteurs de ma mort ! Je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France. » Santerre est là qui fait repartir le roulement des tambours. Louis crie à la foule des mots que les plus rapprochés ont pu reconnaître : « Dieu… Sang… France… » On entend aussi son confesseur, l’abbé Edgeworth, lui dire : «Allez, fils de Saint-Louis ! Le ciel vous attend ! »
Louis est plaqué contre la planche verticale qui bascule sur son axe. Il se retrouve à l’horizontale, le cou engagé dans le demi-cercle de bois, sous la lame. La pièce coulissante destinée à lui maintenir la nuque glisse aussitôt. Puis la lame tombe. La tête est détachée du corps. Charles-Henri Sanson, le bourreau, la saisit par les cheveux et la montre au peuple assemblé. Des Marseillais, des Brestois trempent dans le sang du roi leur mouchoir, leurs mains, ou bien des enveloppes qu’ils placent au bout de leur pique. Un citoyen se hisse près de la guillotine, prend des caillots qui se sont formés, et les lance sur la foule. 10h22, place Louis-XV, le paroxysme de l’horreur vient d’être atteint.