Dans la capitale, il n’y a plus de pain ! Dans tout le pays, les assignats ne valent plus rien ! Des émeutes éclatent partout ! Tout cela, selon les extrémistes révolutionnaires, ne peut avoir qu’une cause : les Anglais qui se seraient joints aux royalistes pour convaincre les Girondins de terminer cette Révolution française qui n’en finit pas ! La solution est trouvée par Marat et Robespierre : au début d’avril 1793, ils demandent l’arrestation des députés girondins ! En même temps, afin de se concilier le peuple, ils font voter la loi du maximum qui fixe un prix plafond pour les grains : les prix ne grimperont plus ! Comment les Girondins ripostent-ils aux accusations de Marat et Robespierre ? Ils commettent une maladresse : Marat s’étant répandu en injures contre eux dans son journal, ils le font traduire devant le tribunal révolutionnaire créé le 10 mars 1793 et dont l’accusateur public se nomme Antoine Fouquier-Tinville – fils d’un riche cultivateur picard.
Évidemment, Marat compte nombre d’amis ou sympathisants dans ce tribunal. Il est triomphalement acquitté ! Experts en maladresses, les Girondins en commettent une deuxième : l’arrestation de deux révolutionnaires « enragés » Hébert et Varlet. Les délégués de la commune de Paris viennent dès le lendemain réclamer leur libération. Troisième maladresse : le bruit court – et il n’est pas faux – que les Girondins auraient réuni une armée en Normandie pour marcher sur Paris. Quatrième maladresse : le député girondin Isnard leur répond que si les insurrections continuent, il fera raser Paris, au point même qu’on se demandera si la capitale a existé !
Aussitôt, les sections populaires parisiennes sont mises au courant de cette menace. Elle a pour effet d’exciter le peuple qui réagit en sonnant le tocsin pendant trois jours, en rassemblant 100 000 hommes autour de la Convention commandés par un ténor de la rue Mouffetard : Hanriot ; des canons sont pointés sur l’Assemblée ! Le 2 juin 1793, la partie est gagnée. Au total, cinquante députés girondins sont arrêtés ! Certains vont réussir à s’enfuir en province, tentant de soulever les populations, les autres vont être emprisonnés et attendre leur procès qui aura lieu quelques mois plus tard. Les récits de ceux qui arrivent à Caen impressionnent tant une jeune fille de vingt-cinq ans – Marie-Anne Charlotte de Corday d’Armont – qu’elle décide de monter à Paris. Son objectif : tuer Marat.
« J’ai bien le droit d’être curieuse, je n’en ai jamais vu ! »
Elle naît le 27 juillet 1768 aux Champeaux, à la ferme du Ronceray. Elle est le quatrième enfant de petits nobles. Son père, Jacques-François de Corday d’Armont est l’arrière-petit-fils de Marie Corneille, sœur de Pierre Corneille. Elle grandit, lit Rousseau, se passionne pour ses idées. Marat aussi lit Rousseau. On l’a même vu un jour, près du jardin des Tuileries, déclamer des passages du
Le 9 juillet 1793, après avoir fait ses adieux à ses amis sans leur révéler son projet, après avoir brûlé tous ses papiers, elle part pour Paris. Elle y arrive le 11 juillet, loue une chambre à l’hôtel de la
Arrêtée sur place, elle est emprisonnée à la Conciergerie. Le mercredi 17 juillet, l’accusateur public Fouquier-Tinville obtient contre elle la peine de mort. Elle reste debout dans la charrette qui la conduit à l’échafaud, passe rue Saint-Honoré où Robespierre, Camille Desmoulins et Danton se penchent à la fenêtre. L’attelage débouche bientôt, sous un violent orage, place de la Révolution où se trouve la guillotine. Charles-Henri Sanson, le bourreau, se place devant la jeune condamnée afin de lui éviter la vue de l’instrument du supplice. Elle l’écarte en lui disant : « J’ai bien le droit d’être curieuse, je n’en ai jamais vu ! »