Camille Desmoulins écrit le 4 avril, veille de son exécution, une dernière lettre qui va parvenir à sa Lucile tendrement aimée : « Adieu, ma Lucile, ma chère Lolotte ! Ô ma chère Lucile, j’étais né pour faire des vers, pour défendre les malheureux, pour te rendre heureuse ! J’avais rêvé une république que tout le monde eût adorée ! Je n’ai pu croire que les hommes fussent si féroces et si injustes ! Ma Lucile, mon bon Loulou, vis pour Horace, notre fils, parle-lui de moi, tu lui diras ce qu’il ne peut entendre, et que je l’aurais bien aimé ! »
13 avril 1794 : « Je vais retrouver Camille ! »
Lucile, Lolotte, va se retrouver sur l’échafaud, une semaine après Camille, le 13 avril 1794. Lucile Desmoulins et la femme d’Hébert sont accusées avec plusieurs autres d’avoir conspiré pour faire évader Danton. Lucile va au supplice avec le sourire, elle réconforte sa compagne. À ceux qui veulent les consoler, elle répond : « Regardez donc si mon visage est celui d’une femme qui a besoin d’être consolée ! Depuis huit jours, je ne forme plus qu’un vœu, celui d’aller retrouver Camille ! Et ce vœu va s’accomplir ! »
Cécile Renault : « Voir comment est fait un tyran »
Robespierre est de plus en plus seul, de plus en plus craint. On redoute ses interventions à la tribune, elles sont souvent des condamnations à mort. Il fait le vide autour de lui, un vide vertigineux. Il poursuit sans faillir son programme de dictature de la vertu, ne supporte aucun écart : dans les premiers jours de juin 1794, une jeune fille simplette, Cécile Renault, se présente à la maison Duplay où loge Robespierre. Elle demande à le rencontrer. On lui en demande la raison. « C’est parce que j’aimerais voir comment est fait un tyran. » Ses grands yeux étonnés découvriront dès le lendemain, en larmes, la guillotine, Robespierre n’ayant pas apprécié la demande…
Juin-juillet 1794 : la Grande Terreur
Au lendemain de la fête de l’Être suprême – un Dieu de substitution, imaginé par Robespierre, lecteur de Rousseau –, le 10 juin 1794, la Convention vote un texte qui désigne presque la France entière comme suspecte ! Plus d’avocat lors des procès, plus d’instruction, plus de témoin, et une seule peine : la mort. Fouquier-Tinville se frotte les mains : en deux mois, pendant ce qu’on appelle la « Grande Terreur », plus de 1 300 personnes sont condamnées à faire connaissance avec celle qu’on appelle, selon le moment ou l’air du temps : la cravate à Capet, l’abbaye de Monte-à-Regrets, la bascule, la lucarne, le vasistas, le rasoir à Charlot, la petite chatière, la veuve, le raccourcissement patriotique, ou bien, la Sainte Guillotine ! Le pourvoyeur se réjouit de voir les têtes tomber, dit-il, comme des ardoises !
« Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyr… »
La triste liste des guillotinés s’allonge. On y trouve le savant Lavoisier. On y trouve celui qui a écrit La Jeune Tarentine
, celui qui va dédier son poème la Jeune Captive à Aimée de Coigny, prisonnière comme lui ; celui qui dans sa solitude carcérale compose les Iambes : « Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyr / Animent la fin d’un beau jour / Au pied de l’échafaud j’essaie encor ma lyre. / Peut-être est-ce bientôt mon tour. / Peut-être avant que l’heure en cercle promenée / Ait posé sur l’émail brillant, / Dans les soixante pas où sa route est bornée, / Son pied sonore et vigilant ; / Le sommeil du tombeau pressera ma paupière. / Avant que de ses deux moitiés / Ce vers que je commence ait atteint la dernière / Peut-être en ces murs effrayés / Le messager de mort, noir recruteur des ombres, / Escorté d’infâmes soldats… », le poète André Chénier, exécuté le 7 thermidor, deux jours avant la chute de Robespierre ! Son père meurt de chagrin l’année suivante. Son frère, Marie-Joseph Chénier (1764 - 1811), ami de Robespierre et auteur du fameux Chant du départ : « La victoire, en chantant, nous ouvre la barrière… », hymne de l’Empire, eût-il pu le sauver ? Oui, c’est presque certain…8 thermidor : Robespierre s’acharne