Pas de panique ! Il faut s’organiser : il s’installe en Égypte. Il y crée un institut où vont travailler les savants qui l’ont accompagné : Monge et Berthollet qui lèvent des cartes du pays, étudient les monuments, le naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire. Desaix va s’efforcer de pacifier le pays. Mais les Turcs veulent reprendre leur possession. Bonaparte devance leur attaque en marchant sur la Syrie en février 1799. Il s’empare de Gaza le 24 février 1799, puis de Jaffa le 7 mars. Dans cette ville, les 3 500 hommes de la garnison se rendent sur la promesse qu’ils auront la vie sauve.
Lorsqu’il apprend l’existence de ces prisonniers, Bonaparte s’exclame, en colère : « Que voulez-vous que j’en fasse ? » Et il ordonne qu’ils soient exécutés. Mais pour faire des économies de balles, ils le seront au sabre et au couteau ! La tâche accomplie, le combat continue… Quelques jours plus tard, le 16 avril, Kléber et Bonaparte se retrouvent à un contre dix Turcs au mont Thabor. Qu’importe : Kléber et Bonaparte gagnent la bataille ! Mais le vent tourne : le siège de Saint-Jean-d’Acre, commencé en mars, s’achève le 20 mai sur une défaite, malgré de nombreux assauts. Les troupes françaises refluent vers Jaffa en une longue colonne de blessés, de malades et surtout de pestiférés !
Les pestiférés de Jaffa : c’est Gros !
Le peintre Gros a représenté Bonaparte, héros qui ne craint rien, pas même la peste, rendant visite à ses troupes atteintes de la terrible maladie, à Jaffa. Certains prétendent qu’il n’y est jamais allé, restant à l’écart des zones empestées, un mouchoir imbibé de vinaigre sous le nez, tant il avait peur d’être contaminé. On a dit tant de choses : qu’il a bombardé la mosquée du Caire, qu’il a fait décapiter des centaines de rebelles dont les têtes, apportées dans d’immenses sacs ont été déversées sur la grande place de la capitale égyptienne pour édifier les foules. On a même prétendu que les pestiférés de Jaffa, non seulement n’auraient pas été visités par leur héros, mais que ce héros les aurait fait liquider. Oui, Bonaparte aurait demandé, par humanité, que soient exécutés ces hommes qui auraient pu tomber aux mains des Turcs, et être torturés –, Napoléon lui-même l’aurait révélé à Bertrand, à Sainte-Hélène ! Mais que n’a-t-on pas dit ! Que n’a-t-on pas inventé ! Tout le monde s’y est mis : les historiens, les écrivains, les témoins, les soldats, les peintres, Gros ! Et même Napoléon…
Avez-vous lu le journal ?
Après la victoire – terrestre – d’Aboukir du 25 juillet 1799, destinée à effacer le désastreux Aboukir naval du 1er
août 1798 – un plénipotentiaire anglais vient discuter de la reddition de ses troupes. Il apporte à Bonaparte un paquet de journaux français. Geste de sympathie ? Ou bien cadeau calculé ? On ne le saura pas, mais l’effet est le suivant : Bonaparte se met le soir même à lire les journaux. Il y découvre que la République est de nouveau menacée par une coalition qui rassemble l’Angleterre, l’Autriche, la Russie, la Suède, l’Empire ottoman. Les Autrichiens et les Russes menacent la République helvétique. Masséna et Lecourbe sont déjà partis en opérations. Les 25, 26 et 27 septembre 1799, ils vont remporter la bataille de Zurich. Les Russes sont rejetés au-delà du Rhin, les Autrichiens sont contenus. Pas une minute à perdre : Bonaparte – auquel, parfois, manque un fox terrier qui s’appellerait Milou – décide de s’embarquer pour la France.