Après l’Italie, revenons un peu en France. Au Directoire, on joue au balancier : un coup à gauche, un coup à droite. Un coup à gauche en déjouant la conspiration des Égaux de Gracchus Babeuf, ce qui évite le retour des Jacobins. Un coup à droite avec le coup d’État du 18 fructidor de l’an V – le 4 septembre 1797 – qui écarte les royalistes devenus majoritaires dans les assemblées, royalistes qui cherchent à évincer les républicains. Pour réussir ce coup d’État, les directeurs ont fait appel à Bonaparte à qui ils demandent des conseils ! Il leur a envoyé l’efficace Augereau. Lui-même a fait un passage à Paris le 5 décembre, accueilli par une foule en délire, avant d’en repartir le 4 mai 1798, pour la campagne d’Égypte que nous venons de suivre.
Au printemps 1799, deux tendances s’affrontent au sein du Directoire : les révisionnistes – parmi eux Talleyrand – qui veulent confier le pouvoir à la bourgeoisie riche. Et puis, deuxième tendance : les néo-Jacobins qui n’admettent pas d’être écartés des décisions importantes. Ils parviennent à faire destituer trois directeurs ! La situation est dangereuse. Et cela arrive aux grandes oreilles du petit général qui tourne en rond dans le sable égyptien. Le 22 août 1799, il laisse le commandement de son armée à Kléber, et revient en France. Il fait une halte en Corse où il distribue des kilos d’or à ses amis, narguant ceux qui saccagèrent la maison Bonaparte en juin 1793 ! Et maintenant, à l’attaque !
Tout aurait pu très mal tourner et, dans l’histoire de France, on aurait lu : « Un petit général corse, Napoléon Buonaparte, qui avait tenté de s’emparer du pouvoir par la force, est déclaré hors la loi par le conseil des Cinq Cents, et exécuté le lendemain, en même temps que son frère Lucien et Joachim Murat, son complice qu’il avait fait général de division en Égypte, au soir de la bataille d’Aboukir… » Il s’en est fallu de si peu…
Les grands financiers, irrités par l’emprunt sur les riches qu’avait décidé le Directoire, financent l’opération Bonaparte qu’on connaît sous ce nom : le coup d’État du 18 brumaire. Dans un premier temps, le 18 brumaire – 9 novembre 1799 –, il est décidé que, à cause de l’agitation néo-jacobine, le conseil des Cinq Cents, celui qui fait les lois, est provisoirement transféré à Saint-Cloud, sous la protection du général Bonaparte. Il a débarqué le 9 octobre à Fréjus ; le 17 octobre, il était à Paris où il a préparé – et payé – la démission de deux directeurs, Sieyès et Ducos, et l’arrestation de leurs deux autres collègues.