Objectif Vienne ! Et surtout les troupes austro-russes qui reculent, reculent au point qu’elles semblent vouloir attirer les Français dans certaines solitudes continentales où elles n’en feraient qu’une bouchée ! Le 13 novembre, le Prince et maréchal Joachim Murat entre triomphalement dans Vienne. Les troupes françaises ont couvert, en un peu plus de soixante jours, 1 200 kilomètres ! Napoléon va s’installer au château de Schoenbrunn.
Une semaine plus tard, l’empereur et ses troupes partent vers Brünn, puis atteignent le village d’Austerlitz qui est immédiatement occupé. Entre Brünn et Austerlitz se trouve un plateau, le plateau de Pratzen. Non loin d’Austerlitz stationnent les troupes ennemies. La logique militaire ordinaire conduit tous ceux qui accompagnent Napoléon à croire qu’il va continuer d’occuper Austerlitz, et surtout, concentrer ses troupes sur le plateau de Pratzen d’où il pourra lancer ses attaques. Eh bien non ! Napoléon, à la surprise générale, décide d’abandonner non seulement le village d’Austerlitz, mais aussi le plateau de Pratzen ! Certains pensent alors qu’un stratège qui désirerait la défaite n’agirait pas autrement !
En réalité, Napoléon est en train de dicter ses volontés à ses ennemis qui les accomplissent à leur insu. Son départ d’Austerlitz et du plateau de Pratzen était comme une invitation aux Austro-Russes : « Venez, installez-vous confortablement sur ce site qui domine la plaine, tâchez d’étirer vos troupes sur toute la longueur du plateau de sorte que leur épaisseur diminue, dinimue… ! Et puis regardez donc à votre gauche, mon aile droite, elle est bien faible, et si vous parvenez à l’écraser, vous me coupez la route de Vienne, vous m’encerclez par le sud, je ne peux plus faire demi-tour, je suis fait comme un rat ! »
Le 1er
décembre, tout se passe comme l’a prévu Napoléon. Sans se presser tant la victoire leur paraît certaine, les Austro-Russes commencent effectivement à se porter vers la droite française qui, avec 9 000 hommes, Davout à leur tête, va devoir, le lendemain, en arrêter 30 000 ! Victoire certaine… pas pour tout le monde dans le camp russe : le vieux maréchal Koutouzov qui connaît bien Napoléon pour l’avoir déjà affronté tente de dissuader le tsar Alexandre d’engager la bataille. Il pressent un piège. Alexandre l’envoie dormir !« La plus belle soirée de ma vie ! »
Soir du 1er
décembre. Veille de la bataille. Napoléon, qui est allé avec quelques officiers effectuer une reconnaissance non loin des lignes ennemies, revient vers ses troupes qui sont presque invisibles dans la nuit. Il a d’ailleurs recommandé de ne pas faire de grands feux afin que ceux d’en face ne puisse rien observer qui leur donnerait des indications pour le lendemain. Mais, alors qu’il revient vers ses lignes, Napoléon trébuche. Un soldat s’approche, allume une torche, le reconnaît, d’autres imitent son geste. Il est bientôt entouré d’une dizaine de flambeaux.Tout à coup, c’est tout le camp français qui s’illumine de torches – comme les briquets s’allument dans un concert moderne… – pendant que des milliers de cris de joie s’élèvent, étrange et douce rumeur en ce lieu où la mort va frapper : les soldats viennent de se rappeler qu’un an auparavant, le 2 décembre, leur petit caporal était devenu l’empereur Napoléon Ier
. Et ce soir du 1er décembre, c’est la veille de son anniversaire ! Des « Vive l’empereur ! » résonnent longtemps, sous l’œil satisfait des alliés qui croient que les Français brûlent leur campement afin de déguerpir plus vite le lendemain matin… « La plus belle soirée de ma vie ! » dira plus tard Napoléon.