« J’épouse un ventre ! » Ainsi s’exprime Napoléon lorsqu’il présente à son entourage son mariage avec Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine, dite Marie-Louise d’Autriche, née le 12 décembre 1791. Il a besoin d’un héritier. Marie Waleska lui a prouvé, en lui donnant un enfant, qu’il n’était pas stérile. Marie-Louise n’a pas encore dix-huit ans quand elle découvre, le 27 mars 1810, celui qu’elle a longtemps appelé, comme tout le monde à la cour de Vienne, le monstre ! On l’a fait changer d’avis, progressivement, pour raison d’État…
À Soissons, l’étape est brève. Le cortège repart vers Compiègne. Napoléon demande aux Murat qui l’accompagnaient de le laisser seul avec Marie-Louise dans le carrosse. Et tout le monde remarque, à l’arrivée, que la robe de Marie Louise est toute chiffonnée, que sa coiffure a souffert, bref, qu’il a dû s’en passer, des choses… Et ce n’est pas terminé : un grand banquet doit être servi à Compiègne. On attend les deux tourtereaux une heure, deux heures. À minuit, ils ne sont toujours pas là. Le maître des cérémonies annonce, l’œil égrillard, que leurs majestés se sont retirées… Un ventre ! Napoléon s’aperçoit que Marie-Louise ne se réduit pas seulement à cet élément anatomique. Le lendemain, il conseille à Savary, son aide de camp : « Mon cher, épousez une Allemande, ce sont les meilleures femmes du monde, douces, bonnes, naïves et fraîches comme des roses ! »
Fait d’hiver
En 1791, Marie-Louise est née, et Bonaparte a bien failli mourir : en effet, jeune lieutenant de vingt-deux ans, il est en garnison à Auxonne, en Côte-d’Or. Le 5 janvier, alors que les fossés de la forteresse sont gelés, il patine avec deux autres militaires, en attendant le repas de midi. Soudain, la cloche sonne, indiquant que l’heure de passer à table est arrivée. Bonaparte, le ventre creux, ne suit pas ses deux amis qui insistent pour qu’il effectue avec eux un dernier tour sur la glace. Ils s’élancent. Moins d’une minute plus tard, dans un bruit mat, amplifié par les murs de la forteresse, la glace se fend et engloutit les deux jeunes hommes qui meurent aussitôt ! Un peu moins d’appétit, et Napoléon Bonaparte eût pour toujours glissé dans la rubrique obscure des faits divers oubliés…
Moscou ! Napoléon en rêve ! Il va tout sacrifier pour y parvenir, y demeurer malgré tous les conseils de prudence qui lui sont donnés. Lorsqu’il donnera l’ordre d’en repartir, il sera trop tard.
Il faut imaginer 600 000 hommes, peut-être 700 000 ! On y trouve des Suisses, des Croates, des Italiens, des Espagnols, des Portugais, des Saxons, des Polonais, des Allemands, des Illyriens, des Napolitains, des Prussiens, des Westphaliens, des Hessois, des Wurtembergeois, des Autrichiens et… des Français ! C’est la Grande Armée, celle qui s’ébranle en juin 1812 vers la Russie. Que s’est-il donc passé puisque le tsar Alexandre Ier
et Napoléon avaient uni les destinées de leurs pays pour la vie – ou presque – à Tilsit ? Le blocus ! Le commerce souffre beaucoup du blocus continental destiné à asphyxier l’Angleterre. Aussi Alexandre Ier, en 1810, a-t-il autorisé l’ouverture du port de Riga. Des marchandises anglaises ont de nouveau envahi la Russie comme au bon vieux temps, et les exportations ont pu reprendre peu à peu. Le plan de Napoléon contre l’Angleterre tombe à l’eau, l’eau de la Baltique.