La Suède fait alliance avec le tsar. Et qui est roi de Suède ? Bernadotte, oui, Jean-Baptiste Bernadotte, que Napoléon a fait maréchal d’Empire en 1804, qui s’est distingué à Austerlitz ! C’est lui, Bernadotte, qui souffle à Alexandre les conseils pour battre la Grande Armée : « Il faut éviter les grandes batailles, travailler l’armée de Napoléon au flanc, il faut l’obliger à s’étirer en détachements, lui faire faire des marches, des contremarches… » C’est ce que vont faire les Russes qui, réclamant à Napoléon la Poméranie suédoise qu’il a envahie, l’obligent à pénétrer en Russie. Il le fait après avoir tenu une cour des souverains européens à Dresde du 9 au 21 mai 1812. Complètement adapté à sa nouvelle alliance autrichienne, Napoléon, en leur présence, plaint le sort qui fut réservé, en 1793, à son « pauvre oncle Louis XVI » et à sa « pauvre tante Marie-Antoinette »… Et puis le voilà qui s’enfonce dans les plaines immenses d’un monde qu’il ne connaît pas.
Des marches, des marches ! Le conseil a été entendu. Il ne faut pas attendre Napoléon, il faut utiliser la même stratégie que la sienne : aller vite. Voilà pourquoi l’armée russe se dérobe, continue sa marche vers l’est, comme si elle voulait faire atteindre à l’empereur le point de non retour. Moscou ! Le laissera-t-on entrer dans Moscou ? Non ! Il faut tenter de l’arrêter ! Voilà pourquoi va se dérouler une bataille indécise, dont l’histoire et l’empereur ont décidé qu’elle était une victoire française : la Moskova. En réalité, la rivière la Moskova ne joue aucun rôle dans cet affrontement qui commence à six heures du matin le 7 septembre 1812, et se déroule à Borodino. Mais le nom Borodino ne disant rien aux Français, l’empereur va préférer celui de la Moskova ; ainsi, tout le monde comprendra qu’il est tout près de Moscou ! Il en est quand même à 150 kilomètres… Donc, à six heures du matin, 120 canons français tirent sur les lignes russes. Trop court ! Il faut les déplacer et cela prend un temps fou.
Davout est tenu en échec par le Russe Bagration – qui va mourir dans la bataille. Il faudrait prendre une grande redoute – ouvrage de fortification avancé – tenue par les Russes tout près de Borodino. Il faudrait prendre aussi la colline des Trois Flèches où ils se sont installés. Ney, puis Junot vont s’y essayer à sept heures du matin. Trois heures plus tard, elles sont à eux. Ils en sont chassés, mais y reviennent définitivement à onze heures trente. Soixante-dix canons français bombardent alors la grande redoute toujours russe. À quatorze heures, Auguste Caulaincourt la prend à revers, à la tête des cuirassiers du général Montbrun qui vient d’être tué. Caulaincourt à son tour tombe sous les balles. Le prince Eugène de Beauharnais – le fils de Joséphine – prend le relais. Vers quinze heures, cette redoute se hérisse enfin des drapeaux français. Il suffirait alors que Napoléon envoie sa garde de 30 000 hommes pour que la victoire soit totale. Il hésite, ne le fait pas car il est persuadé que Koutousov qui s’est retiré un peu plus loin sur les crêtes reprendra le combat le lendemain. Mais Koutousov, le lendemain, sera parti, et Napoléon, surpris et sans doute comblé, va se diriger vers Moscou.
« Puisqu’ils en veulent, donnez-leur-en ! »
51 000 tués ou blessés du côté russe, 30 000 du côté français ! La bataille de la Moskova est la plus meurtrière des campagnes napoléoniennes. Elle a duré douze heures. Cent trente coups de canon à la minute ont été tirés, en moyenne ! La grande redoute prise, les Russes ne quittant pas le champ de bataille, Napoléon a dit au général d’artillerie Sorbier : « Puisqu’ils en veulent, donnez-leur-en ! » : 400 canons français ont